تعداد نشریات | 43 |
تعداد شمارهها | 1,647 |
تعداد مقالات | 13,387 |
تعداد مشاهده مقاله | 30,130,131 |
تعداد دریافت فایل اصل مقاله | 12,066,317 |
Les stratégies autofictionnelles dans W ou le souvenir d’enfance de George Perec et Dora Bruder de Patrick Modiano | ||
Revue des Études de la Langue Française | ||
مقاله 13، دوره 12، شماره 2 - شماره پیاپی 23، اسفند 2020، صفحه 177-188 اصل مقاله (1.3 M) | ||
نوع مقاله: Original Article | ||
شناسه دیجیتال (DOI): 10.22108/relf.2021.128446.1156 | ||
نویسندگان | ||
Delaram Zeyali Nejad1؛ Akram Ayati* 2؛ Mojgan Mahdavi zadeh3 | ||
1Master ès Lettres, Département de Langue et Littérature françaises, Université d'Ispahan, Ispahan, Iran | ||
2Maître de conférence, Département de Langue et Littérature françaises, Université d'Ispahan, Ispahan, Iran | ||
3Maître-assistante, Département de Langue et Littérature françaises, Université d'Ispahan, Ispahan, Iran | ||
چکیده | ||
Depuis Jean-Jacques Rousseau, de nombreux auteurs ont tenté de retracer les événements de leur vie individuelle, en donnant naissance à l'autobiographie. L’écrivain de l'autobiographie cherche également à y recomposer la vérité et l'unité de son "je". La littérature du XXᵉ siècle témoigne de la création d'une série d'autobiographies modifiés ou transgressives sous le nom d’« autofictions ». Malgré les efforts de l’institutionnalisation de ce nouveau genre littéraire depuis 2003, son sens reste encore aujourd’hui sujet à controverse. Un terme souvent employé dans les médias, mais rarement défini, l'autofiction a de multiples définitions. Parmi les écrivains contemporains, Patrick Modiano et George Perec mettent à l'épreuve ce genre littéraire dans leurs œuvres. Toute l'œuvre de Modiano est une incarnation de divers souvenirs, en vue d'une quête d'identité. George Perec écrivain français et membre de l'Oulipo, possède également une écriture dotée d'interactions issues de diverses configurations scientifiques. Dans cette étude, notre objectif est d'examiner ce nouveau genre littéraire d’une manière comparative dans les deux œuvres romanesques, Dora Bruder de Patrick Modiano et W ou le souvenir d’enfance de George Perec pour répondre à cette question principale qui consiste à savoir quelles sont les stratégies autofictionnelles mises en œuvres dans ces deux œuvres et comment elles sont employées pour exprimer le thème de la recherche d'identité par ces deux écrivains cités. | ||
کلیدواژهها | ||
autofiction؛ Patrick Modiano؛ Dora Bruder؛ George Perec؛ W ou le souvenir d&rsquo؛ enfance | ||
اصل مقاله | ||
Les récits de soi occupent une place importante dans la littérature contemporaine et plusieurs écrivains tiennent à manifester leur vision du monde à travers les pratiques autobiographiques renouvelées. En réalité, à dater des années 1980, nous assistons à la prolifération d’une forme hybride entre l’autobiographie et le roman, qui emprunte de façon assumée autant au vécu qu’à l’imaginaire, et brouille volontairement les signes et les repères entre réalité et fiction. Néologie créée en 1977 par Serge Doubrovsky, l'autofiction est un terme qui a toujours attiré l'attention des critiques et des écrivains. À cela s'ajoute la problématique du genre : les controverses nous empêchent de dire si l’autofiction pourrait être considérée comme un genre littéraire. Parmi les écrivains dont l'œuvre pourrait être classée sous ce libelle, nous pourrions citer Patrick Modiano et Georges Perec. Modiano, grand romancier du XXᵉ siècle, est l’enfant d’une époque assez troublante et de plus en plus insupportable pendant les années noires de la France par l’occupation Nazie entre 1940 et 1944. L’auteur a écrit une trentaine de romans, dont une grande majorité est parue dans la collection blanche de Gallimard. Pour la plupart, son œuvre est marquée par le thème de l’Occupation. Il écrit pour mettre en lumière les évènements d'une période dont la France ne s'était pas encore rétablie. L’un des écrivains français qui a focalisé son œuvre sur les souvenirs présentés sous formes fictives est Georges Perec. Il se consacre au roman et devient membre actif de l’Oulipo dont il était maître dans le domaine des jeux d’écriture. L’œuvre de Georges Perec est si riche que l'on peut difficilement la classer dans une catégorie précise. Abordant principalement le thème de la perte et de la quête identitaire, ses ouvrages adoptent tous, une forme authentique. Georges Perec est entièrement touché par la disparition de ses parents lors de la Seconde Guerre Mondiale et son ouvrage W ou le souvenir d’enfance, parue en 1975 est consacré en partie à ces événements et à ce qui lui est arrivé dans le passé. Malgré la diversité et la multiplicité des techniques autofictionnelles que chacun de ces deux écrivains a mis en pratique dans son œuvre, nous nous intéresserons dans cette étude, à deux procédés d'écriture autofictionnelle, à savoir la photographie et la topographie. Notre problématique dans cet article consiste donc à savoir comment et sous quelle forme chacun de ces deux auteurs a utilisé ces deux techniques de l'écriture autofictionnelle dans son œuvre pour en comparer les similitudes et les divergences. Pour répondre à cette question principale, nous examinerons tout d'abord la définition de l'autofiction et les caractéristiques de ce genre, pour ensuite voir de près, la modalité de la mise en œuvre de ces deux techniques de l’autofictionnalité dans les deux œuvres Dora Bruder et W ou le souvenir d’enfance. Notre hypothèse met de l'avant qu'à partir d'un objectif similaire, chacun de ces deux auteurs pratique sa propre manière d'écriture autofictionnelle et crée ainsi son style propre à lui-même.
L’historique et l’évolution de l’autofiction Dans le domaine littéraire, l’écriture sur soi est une manière très importante pour s’exprimer, et la révélation du « Moi » est considérée comme le but de toute activité de l’être humain. L’autobiographie, l’un des premiers genres littéraires, est évoluée au cours des années et a pris un caractère moderne avec l'apparition du terme autofiction. Les discussions sur l'autofiction ne se bornent pas aux colloques et aux conférences universitaires (Beggar, 2013 :1), sachant que le concept se propage dans le milieu des médias, des arts plastiques, des bandes dessinées, etc. D'ailleurs, la polysémie qui porte cette notion ne se limite pas au cadre des discours critiques et des discussions universitaires. En 1975, pour la première fois, Philippe Lejeune se pose cette question sur un nouveau concept dans son ouvrage théorique Le Pacte autobiographique : « Le héros d'un roman déclaré tel peut-il avoir le même nom que l’auteur ? Rien n'empêcherait la chose d'exister, et c'est peut-être une contradiction interne dont on pourrait tirer des effets intéressants. Mais dans la pratique, aucun exemple ne se présente à l'esprit d'une telle recherche » (Lejeune, 1975 :31-32). En 1977, Serge Doubrovsky utilise ce mot dans la quatrième couverture de son livre intitulé Fils, pour répondre à la question du grand théoricien de l'autobiographie, Philippe Lejeune et compléter ainsi la case vide de l'ouvrage théorique de celui-ci : « – Autobiographie ? Non. Fiction, d'événements et de faits strictement réels. Si l'on veut autofiction, d'avoir confié le langage d'une aventure à l'aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau » (Doubrovsky, 1977 : 4e couverture). La mise en pratique des techniques autofictionnelles se voit aussi chez les écrivains du début du siècle dernier, cela avant même l'invention de la notion par Doubrovsky. Céline, Breton et Colette sont parmi les écrivains dont l'œuvre pourrait être considérée comme autofictionnelle. En 2007, Stéphanie Michineau évoque dans sa thèse de doctorat intitulée L’Autofiction dans l'œuvre de Colette que « les romans de Colette ne se cantonnent pas à une dimension purement fictive. » (Michineau, 2007 : 62). En suggérant que le personnage de Claudine dans l'œuvre de Colette est en quelque sorte, le reflet de l'écrivaine, elle conclut enfin que les romans du début du cycle des Claudine « tendent à dépasser le statut de simples romans pour accéder à celui d’autofiction » (Michineau, 2007 : 71).
Définition de la notion Par ce terme, Serge Doubrovsky définit une forme littéraire qui permet à l’auteur de peindre son « Moi », en se référant à des fictions dans ses modalités d'écriture narrative, sous forme d'un amalgame de récit réel de la vie de l'auteur et d'un récit fictif mettant en évidence une expérience vécue par ce dernier. Cependant, il serait préférable de commencer par donner une définition de cette notion. Pour ce faire, deux remarques se posent dès le début : l'une concerne en effet l’indétermination indissociable de cette notion comme genre littéraire, et la seconde, due à la première, consiste à ce fait que la notion a trouvé pendant des années, plusieurs significations diverses et parfois même contradictoires. Cette diversité et la polysémie qui en découle concernent également les critères qui représentent ce genre littéraire, et les critiques et les auteurs déterminent, chacun, les indices différents et nous remarquons encore que parfois les idées du même critique sur ce concept évoluent pendant le temps (Tavana, 2013 :21). Doubrovsky a donné une définition de la notion de l’autofiction : « L'autofiction, c'est la fiction que j'ai décidée, en tant qu'écrivain, de me donner de moi-même et par moi-même, en y incorporant, au sens plein du terme, l'expérience de l'analyse, non point seulement dans la thématique, mais dans la production du texte » (Doubrovsky, 1980 :87-97). Quoique l’origine de l’autofiction remonte à la publication de Fils, certains critiques considèrent qu'on ne peut pas accorder l'invention du genre à Doubrovsky. D'après Vincent Colonna, ce genre avait existé bien avant Doubrovsky. Il affirme que le précurseur de ce genre est Lucien de Samosate, l'idée soutenue également par Darrieussecq dans sa thèse : « Mais si le terme date seulement des années soixante-dix (avec Doubrovsky), on sait que la pratique existe depuis longtemps (Dante si l'on veut, et début XXᵉ siècle, au moins Cendrars) » (Darrieussecq, 1997 : 179). De ce fait, la notion de l’autofiction ne se limite pas à la définition qu'en donne Serge Doubrovsky ; après lui, Vincent Colonna offre dans sa thèse, une nouvelle définition de l’autofiction : « Une œuvre littéraire par laquelle un écrivain s’invente une personnalité et une existence, tout en conservant son identité réelle » (Colonna, 1989 : 31). Il y a en effet un point commun entre ces deux définitions : Colonna et Doubrovsky considèrent tous les deux, d'une part, le sous-titre de « roman » pour l’autofiction et ils reconnaissent, d'autre part, l'homonymie entre le narrateur et le personnage et l’auteur. Mais, il y a une différence entre ces deux définitions : il s'agit du pacte de lecteur : Colonna parle d'un pacte fictionnel et Doubrovsky envisage un pacte référentiel. En 1991, Gérard Genette utilise ce néologisme pour caractériser les récits dans lesquels le héros est l’auteur lui-même mais dans les situations imaginées par celui-ci) Tavana, 2013 : 26). Selon Gérard Genette, l'« autofiction » se situe entre l’autobiographie et le roman : « Les définitions sont libres et l'usage est roi, mais il me semble toujours que cette définition large [celle de Doubrovsky], désormais reçue, est trop floue pour ne pas s'appliquer aussi bien à toute autobiographie, récit de soi toujours plus ou moins teinté, voire nourri, volontairement ou non, de fiction de soi » (Genette, 2009 : 136). L’idée de Vincent Colonna et de Gérard Genette est encore soutenue par un autre critique et écrivain, Philippe Forest, qui, suivant cette démarche, élargit le champ d'application de ce genre et y suggère d'autres critères. Il évoque dans sa thèse que l’écrivain, en racontant son récit, laisse des lacunes de ses souvenirs, et ses oublis qui affrontent la véracité des souvenirs refaits. Donc, le récit doit être représenté sous la forme fragmentée et évitée de l'ordre chronologique (Tavana, 2013 : 26). Philippe Vilain est un autre théoricien qui proclame sa propre définition du terme susdit dans L’autofiction en théorie : « Fiction homonymique ou anominale qu'un individu fait de sa vie ou d'une partie de celle-ci » (Vilain, 2009 : 74). Il offre ainsi une nouvelle dimension à l’écriture du soi et y donne un aspect universel. L’autofiction devance ainsi les limites de l’intime pour se généraliser. Le problème concernant la définition de l’autofiction ne se limite pas à leur variété, et s'étend sur la notion même. En fait, il y a des critiques et des écrivains qui proposent une autre expression pour le conceptualiser ou faire connaissance de ce nouveau genre. Arnaud Schmitt utilise le mot auto-narration pour qualifier Mercy of a rude Stream d’Henry Roth : « Se narrer, s'autonarrer consiste à faire basculer son autobiographie dans le littéraire. Se dire, certes, mais avec toute la complexité inhérente au roman et aux variations modales, polyscopiques, stylistiques propres au genre. En d'autres termes, s'autonarrer consiste à se dire comme dans un roman, à se voir comme un personnage même si la base référentielle est bien réelle » (Schmitt, 2005 : 311).
En 2015 parlant de l’autofiction dans son excellent ouvrage intitulé Est-il je ? Philippe Gasparini essaie de trouver les législations et les codes convenables au genre comme onomastique, paratextuel, etc. et tente de travailler sur les aspects sémantiques : « Il consacre beaucoup de pages aux divers lieux de la confession, de la sincérité, de l’épanchement, passant en revue toute la palette empathique ») Schmitt, 2007 : 16) que l’auteur met en œuvre pour persuader le lecteur de la sincérité de ses discours et paroles, ou au contraire, pour le faire hésiter )Schmitt, 2007 : 16). Philippe Gasparini essaie de relever les diverses caractéristiques du concept doubrovskien de l'autofiction en examinant ses articles et ses interventions et il propose une liste composée de dix critères (Gasparini, 2008 : 209) dont l'identité onomastique de l’auteur et du héros-narrateur, le primat du récit, la recherche d’une forme originale et l'écriture visant la verbalisation immédiate sont les plus fréquentes. Photographie en prose, gage de la véracité de la fiction L'Histoire et tout ce qui est en rapport avec ce concept sont l'un des champs fertiles de l'autofiction. Comme l'évoque bien Ponchon, l'Histoire a une forte potentialité d'être le ferment de l'histoire autofictionnelle : « Histoire et histoire, la petite et la grande, l'Histoire officielle, objective ; l'histoire personnelle, subjective ; et l'histoire racontée, contée, « il serait une fois... ». Une histoire inventée, une fiction, pouvant être tour à tour fictive car ayant recours à l'imaginaire, fictionnelle car « constituée d'assertions feintes », ou « fausse », non référentielle, irréelle, mensongère » (Ponchon, 2014 :19-20).
Beaucoup d’analyses thématiques ont vérifié le lien qui joint l'Histoire et la Fiction, l'affinité unissant l'Histoire et le Témoignage, les points de convergence et de divergence entre l'autobiographie et l'autofiction, la contiguïté des perceptions fictives et des Mémoires ; cependant, un lien archétype qui puisse mettre en relation "l'Histoire", "le Moi" et "la Fiction", n'a encore pas été mûrement élaboré. Nous considérons en réalité que nos deux auteurs ont essayé de dépasser les réalités historiques pour les insérer dans des narrations fictives, ce qui fait que la réalité en question, toujours inaperçue, est à l'origine de la narration créée. Beaucoup d'analyses ont déjà étudié l'aspect de l'autofictionnalité de l'histoire de ces deux œuvres en s'appuyant sur les parts réelle et fictionnelle de leur récit. Une brève étude formelle et thématique de deux romans le constate bien : W ou le souvenir d’enfance est constitué de deux parties : l’une concerne directement les souvenirs de Perec sur son enfance, et se présente comme une autobiographie ; mais l’autre commence par l’enquête d’un garçon imaginaire qui a disparu dans un naufrage, et le récit décrit tout d’un coup une île fictive qui s’appelle « W » où, les gens adorent le sport. Dans Dora Bruder, Modiano base son histoire sur des archives et des traces historiques pour retrouver une jeune fille juive. Pourtant, ces archives et ces traces ne suffisent pas pour le narrateur, à accéder à ce qu’il cherche sur cette fille, parce qu’elles comportent des lacunes et qu’il n’est jamais possible de dialoguer réellement avec Dora. Dans ce cas, Modiano insère des éléments d’intrigues imaginaires, sous une forme littéraire, pour mener cette enquête jusqu’au bout. Nous allons pourtant, nous pencher dans les pages suivantes, non pas sur le récit, mais sur deux modalités de la mise en œuvre du concept de l’autofiction dans Dora Bruder de Patrick Modiano et W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec. Ces deux techniques mises en examen sont la photographie et la topographie. Georges Perec, l’auteur français du vingtième siècle, écrit en 1975, son histoire d'enfance sous la forme d'un roman intitulé W ou le souvenir d’enfance publié, dans les exemplaires de La Quinzaine littéraire datant du délai fixé entre septembre 1969 et Août 1970. En 1975, il l'a enfin publié en le dédiant à « E ». Puisqu’il passe une enfance en absence de ses parents et pâti de ce manque, la lettre « E » peut se référer au pronom « eux » qui représente ses parents. W ou le souvenir d’enfance est une œuvre hybride dans laquelle Perec essaie de remédier à la déficience de ses souvenirs par l’écriture, raviver ceux qu’il a perdus et recomposer son passé. Un ouvrage croisé et composé des deux séries d'histoires juxtaposées, car il alterne tour à tour, une fiction olympique avec une écriture autobiographique d'une manière fragmentée. Les chapitres pairs écrits en italique sont des récits de fiction qui révèlent la manière dont un homme, Gaspard Winckler doit faire face à un passé qui lui échappe dans les ruines de l'île de W, près de la Terre de Feu. Et les chapitres impairs écrits en caractères droits sont autobiographiques. Cette autobiographie commence par ces mots : « Je n'ai pas de souvenir d'enfance. Jusqu'à ma douzième année à peu près, mon histoire tient en quelques lignes : j'ai perdu mon père à quatre ans, ma mère à six ; j'ai passé la guerre dans diverses pensions de Villard-de-Lans. En 1945, la sœur de mon père et son mari m'adoptèrent » (Perec, 1975 : 17). L’envie de Georges Perec de recomposer ou de recréer son histoire est si fervente qu’il lui a consacré ce roman propre. Dans cette œuvre autofictionnelle, l’auteur a utilisé les diverses techniques de représentation de soi comme la photographie. La photographie en prose est un élément nouveau en littérature qui donne une nouvelle définition au nombre d’habitudes littéraires. Également, elle engendre une écriture nouvelle par la création de nouvelles relations qui, tout en modifiant les vieux rôles narratifs. La photographie propose la situation d’expérimenter une nouvelle déductiviste de la représentation et offre à l'écrivain la possibilité de donner à son texte une valeur historique inférant une stabilité autobiographique au roman. Dans W ou le souvenir d’enfance, la vue des photographies des parents du narrateur procrée un deuxième récit, suggestif, de ces images après un troisième récit, illustratif cette fois, en accord direct avec elles. Dans le huitième chapitre, il explique avec précision quelques photos de ses parents : « Sur la photo du père et la taille du père. C'est super. Il a une nouvelle tête, il a sa chaleur principale. Sa capote descend très bas. Il est monté sur l'un de ces grands sièges en cuir qui assemblaient les lustres dans des wagons à vitraux de troisième classe. Sur le devine, entre les filets de la poussière, il est dimensionnel et la base du capot, les bandes roulantes interchangeables » (Perec, 1975 :46).
Il évoque encore : « Cyrla Schulevitz1, ma mère, dont j'appris, les rares fois où j'entendis parler d'elle, qu'on l'appelait plus communément Cécile ", naquit le 20 août 1913 à Varsovie. Son père, Aaron, était artisan ; sa mère, Laja, née Klajnerer, tenait le ménage » (Perec, 1975 :49). En tenant compte des écrits de Perec concernant la description des photos en forme gras, nous présumons que le but de l’auteur est de souligner l'absence de ses parents et qu'il choisit cette forme d’écriture en gras pour remplir ce manque. Cette capacité de ressusciter les moments passés que la photo accorde à celui qui la regarde, engendre évidemment une simultanéité entre l’objet regardé et l’évocation, mais aussi à l'imagination : « En fait, les photos exprimées de la mère et du père de Georges Perec représenté dans le texte le passé (anachronie) de Perec, et l’œil-voyeur du narrateur représente le présent de narration, l’histoire qui découle de la vue de la photographie est à la fois passée, présente et future parce que le narrateur tient compte du contexte circonstanciel et même historico-événementiel de la prise de cette image et la postérité qui appréciera ses commentaires » (Ouattara, 2014 : 141).
L’image élaborée des personnages de Patrick Modiano laisse peu de traces dans le souvenir du lecteur, et semble même tendre au gommage de l’histoire dans la mémoire. Il est « l’auteur d’une œuvre écrite apparemment contre l’oubli mais qui arrive sur l’oubli, Modiano est un écrivain du silence qui est d’abord un passeur d’images » (Hennen, 2017 : 4). Dans Dora Bruder, il y a plusieurs photos qui ne sont pas reproduites dans le roman, mais qui sont racontées de manière particulière. Pour mieux comprendre les personnages du roman, Patrick Modiano a rédigé la photographie en prose de Dora et de ses parents. La première photographie est décrite en deux pages, sur huit portraits-photos de Dora et de ses parents : « Quelques photos de cette époque. La plus ancienne, le jour de leur mariage. Ils sont assis, accoudés à une sorte de guéridon. Elle est enveloppée d’une grand-voile blanche qui semble nouée sur le côté gauche de son visage et qui traîne jusqu’à terre. Il est en habit et porte un nœud papillon blanc. Une photo avec leur fille Dora. Ils sont assis, Dora debout entre eux : elle n’a pas plus de deux ans. Une photo de Dora, prise certainement à l’occasion d’une distribution des prix. Elle a douze ans, environ, elle porte une robe et des socquettes blanches. Elle tient dans la main droite un livre. Ses cheveux sont entourés d’une petite couronne dont on dirait que ce sont des fleurs blanches » (Modiano, 1997 : 16).
Le narrateur commence par une photo prise, la journée du mariage de Cécile et Ernest Bruder, et ensuite met en scène plusieurs photos de Dora avec sa mère ou seule quand elle était adolescente ou enfant. Dans ces descriptions, nous sommes amenés aux différentes époques, parfois aux plusieurs dizaines d’années sur la même page, passant ainsi des années 1930 aux années 1990, entre la jeunesse de Dora et l’enquête de Modiano. Pour Modiano, cela est une façon de « fondre sa vie avec celle de Dora Bruder, et avec celle de son propre père » (Nordholt, 2011 :532). Ces photo-portraits datant de l’avant-guerre, il semble que l'ambiance de la famille soit un peu plus calme. Un autre extrait sous la forme de la photographie en prose concerne la description de la photo de Dora avec sa mère et sa grand-mère : « Elle est en compagnie de sa mère et de sa grand-mère maternelle. Les trois femmes sont côte à côte, la grand-mère entre Cécile Bruder et Dora. Cécile Bruder porte une robe noire et les cheveux courts, la grand-mère une robe à fleurs. Les deux femmes ne sourient pas. Dora est vêtue d’une robe noire – ou bleu marine – et d’une blouse à col blanc, mais cela pourrait être aussi un gilet et une jupe – la photo n’est pas assez nette pour s’en rendre compte. Elle porte des bas et des chaussures à brides » (Modiano, 1997 :50).
Ces passages basés, selon l'auteur, sur les documents et les archives, sont insérés dans l'histoire pour donner l'illusion de la véracité à la fiction. L'écriture en photo se met ainsi au service de l'expression du récit autofictionnelle.
Incarnation des Topos vécus La seconde technique employée par les deux écrivains qui met en relief l'aspect autofictionnel des romans, est l'écriture topographique. Celle-ci est utilisée pour faire travailler la mémoire. Ces lieux sont capables d’évoquer le passé. La réflexion sur la notion de lieu nous mène à comprendre le monde onirique, composé par ces auteurs qui conservent une mémoire à la fois authentique et imaginaire. Le lieu est un repère dans lequel ont eu lieu les expériences vécues de ces deux écrivains. Notamment, la recherche de la mémoire individuelle s’applique sur la mémoire collective, et les lieux suggèrent les cadres spatiaux de la mémoire. Également, la redécouverte des lieux aide la recherche sur la mémoire individuelle guidée par Patrick Modiano et Georges Perec. En conséquence, le lieu engendre un lien avec la mémoire. La lecture des romans de Modiano et surtout, Dora Bruder donne au lecteur l'impression de marcher dans les rues de Paris. L'auteur donne les noms de toutes les ruelles, les rues, les carrefours, les places, les gares, et etc. en détail et nous emmène dans les cafés et les restaurants de cette ville. Avec le protagoniste, nous recherchons quelque chose du passé, dans le présent. Dès la première page, le narrateur se souvient des mémoires de son enfance et surtout, des lieux et des espaces comme les adresses exactes des quartiers, des maisons et même des rues, des avenues et des boulevards. Modiano précise sur l'importance de l'espace dans ses romans, dans son discours de l'attribution du Prix Nobel : « On peut même changer d’identité et vivre une nouvelle vie. On peut se livrer à une très longue enquête pour retrouver les traces de quelqu’un, en n’ayant au départ qu’une ou deux adresses dans un quartier perdu. La brève indication qui figure quelquefois sur les fiches de recherche a toujours trouvé un écho chez moi : Dernier domicile connu. Les thèmes de la disparition, de l’identité, du temps qui passe sont étroitement liés à la topographie des grandes villes. Voilà pourquoi, depuis le XIXᵉ siècle, elles ont été souvent le domaine des romanciers… » (Modiano, 2014 :19-20).
La remémoration des lieux de son enfance agit en effet, comme un soulagement face aux traumatismes du passé. Autrement dit, ces moments difficiles sont le reflet d'une rétrospection ; la solitude et le chagrin intense pèsent lourdement sur le narrateur, et les souvenirs déchirants s’obstinent dans sa conscience. Cet attachement au passé crée une division entre le « moi actuel » et le « moi passé », et ce déchirement du « moi » dans sa conscience se lie à son style d’écriture (Bando, 2015 : 31). En fait, cette tendance du mélange de la vérité et de la fiction à ce point, chez Modiano provient, selon certains chercheurs, de la mythomanie, une forme de déséquilibre psychique (Shabanifar & Fahim Kalam, 2021). Au début du roman, l’annonce des parents de Dora, rappelle d'abord, l’enfance de Modiano où il est allé sur le marché aux Puces de Saint-Ouen avec sa mère. Il se rappelle après qu’il y était en 1965 parce qu’il avait une amie qui habitait près de lui, et enfin il y retourne en 1996 pour chercher la trace de Dora. Puisqu'il a traversé les mêmes régions, il peut deviner ce qui lui est arrivé il peut deviner où Dora est allée (Hennen, 2017 :9). La rue Vilin joue un rôle considérable dans la vie de G. Perec. Il a passé sa petite enfance dans cette rue, où ses parents se sont établis lors de leur arrivée à Paris. Dans cette époque, la vie de Perec était encore en ordre. La rue Vilin entre 1936 et 1940 était encore tout un quartier. Mais la vie comme la guerre, où le père de Perec meurt en 1940 et la disparition de la mère lui a changé ces jours heureux et calmes. À la page 72, l’auteur est de retour à la rue Vilin en 1946, avec sa tante : « Je suis revenu pour la première fois rue Vilin en 1946, avec ma tante. Il me semble qu'elle a parlé avec une des voisines de mes parents. Ou bien peut être, plus simplement, est-elle venue avec moi voir Rose, ma grand - mère, qui, au retour de Villard - de - Lans, a revécu quelque temps rue Vilin avant de partir chez son fils Léon à Haïfa. Je crois me rappeler avoir joué dans la rue un moment. Pendant les quinze ans qui suivirent, je n'eus ni l’occasion, ni l'envie d'y revenir » (Perec, 1975 :72).
Après, en 1961/1962, il retourne pour la deuxième fois à la rue Vilin: « C'est avec des amis qui habitaient tout près, rue de l’Ermitage, que je revins rue Vilin, en 1961 ou 1962, un soir d’été. La rue n’évoqua en moi aucun souvenir précis, à peine la sensation d’une familiarité possible » (Perec, 1975 :72). Malgré le manque du souvenir et les sentiments différents qu’expérimente Georges Perec sur cette rue, il y retourne. Dans cette œuvre, le narrateur retourne plusieurs fois et régulièrement rue Vilin pour retrouver des souvenirs du temps avec ses parents et comprendre la perte de ses parents. Il parle sur son retour à la rue Vilin sans se souvenir encore de son enfance. Cette absence de souvenir d'enfance pourrait être l'une des raisons pour lesquelles l'auteur a créé l'histoire de W et l'a mélangée avec l'histoire de sa vie.
conclusion L'autofiction ne se prête pas à une définition tout faite, mais elle permet à l’écrivain de choisir parmi les différentes théories, celles qui conviennent à sa propre conception, ou de créer une nouvelle définition appropriée à son œuvre. En tout cas, elle amène l'auteur au territoire de l'innovation. Chacun tente de rédiger sa propre autofiction avec un langage et une forme inédite. Chacun s'efforce de trouver son style propre, son esthétique spécial. Cette triple identité est issue du fait que l'auteur est également narrateur et protagoniste, et met en œuvre un contenu narratif fictionnel, se situe au point de jonction de roman, d'autobiographie et de journal intime. Dora Bruder et W ou le souvenir d’enfance sont tous les deux, articulés autour d'une quête de la mémoire individuelle. Les deux œuvres combinent le réel et la fiction pour lequel au moins deux techniques majeures y sont mises en œuvre. L'écriture basée sur la photographie et la topographie renforce l'aspect référentiel de leur fiction. Dans les deux œuvres, les auteurs poursuivent presque le même objectif, avec la faiblesse des souvenirs d’une époque passée et la tache presque impossible de les reconstruire, et ils réécrivent ses récits personnels à partir des témoignages, des photos, empreintes du passé conservé par le lieu, le contexte historique et ses propres biographies. Nous constatons pourtant que la simple quête d'une identité individuelle ne pourrait pas constituer le seul objectif de deux écrivains, mais c'est la réhabilitation d'une race qu'ils cherchent à restituer | ||
مراجع | ||
Anne Isaacs, C. (2016). La problématique de l’identité Juive dans des œuvres choisies de Patrick Modiano. Mémoire de master. Pretoria : Université d'Afrique du Sud.
Bando, M. (2015). La mémoire et la fiction dans les œuvres romanesques de Patrick Modiano. Thèse de doctorat. Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. Université de Limoge.
Beggar, A. (2013). « L’autofiction : un nouveau mode d’expression autobiographique ». Revue des littératures franco-canadiennes et québécoise. n° 2. pp. 122-137.
Colonna, V. (1989). L'autofiction, essai sur la fictionalisation de soi en littérature.
Thèse de Doctorat. Paris : École des Hautes Études en Sciences Sociales.
Colonna, V. (2004). Autofiction et autres mythomanies littéraires. Auch : Tristram.
Darrieussecq, M. (1997). Moments critiques dans l'autobiographie contemporaine : l'origine tragique et l'autofiction chez Serge Doubrovsky, Hervé Guibert, Michel Leiris et Georges Perec. Thèse de Doctorat. Paris : Université Denis Diderot.
Doubrovsky, S. (1977). Fils. Paris : Galilée.
Doubrovsky, S. (1980). « Autobiographie/vérité/psychanalyse ». L'Esprit créateur. n°20 (3). pp. 87-97.
Doubrovsky, S. (2005). « Autofiction selon Doubrovsky ». Entretien avec PhilippeVilain, dans Vilain, Ph. Défense de Narcisse. Paris : Grasset. pp. 169-234.
Doubrovsky, S. (2008). « Le dernier moi ». Burgelin, C., Grell, I., & Roche, R. (Eds.). Autofiction(s). Lyon : Presses universitaires de Lyon. pp. 383-393.
Gasparini, P. (2004). Est-il je ? Roman autobiographique et autofiction. Paris : Seuil.
Gasparini, P. (2008). Autofiction : une aventure du langage. Paris : Seuil.
Genette, G. (2009). Bardadrac. Paris : Seuil.
Genette, G. (1982). Palimpsestes. Paris : Seuil.
Gérard, G. (1991). Fiction et diction. Paris : Seuil.
Hennen, N. (2017). La quête des identités dans les œuvres « Dora Bruder » et dans « le café de la jeunesse perdu » par Patrick Modiano. Dissertation. Göttingen : Université Georg-August.
Lejeune, P. (1975). Le pacte autobiographique. Paris : Le Seuil.
Michineau, S. (2007). « L’Autofiction dans l’œuvre de Colette ». Université du Maine. U. F. R. de LETTRES
Modiano, P. (2014). Discours à l’Académie suédoise. Paris : Gallimard.
Modiano, P. (1977). Dora Bruder. Paris : Gallimard.
Nordholt, A. S. (2011). « Photographie et image en prose dans Dora Bruder de Patrick Modiano ». Neophilologus. N° 96(4). pp. 1-18.
Ouattara, S. (2014). Photographie et représentation de soi dans W ou le Souvenir d’enfance de Georges Perec. Voix plurielles. N°1. pp. 138-150.
Ponchon, C. (2014). Le moi, la fiction et l’histoire dans les œuvres de Serge Doubrovsky, Georges Perec et Jorge Semprun. Thèse de Doctorat. Faculté de Dijon. Université de Bourgogne.
Perec, G. (1975). W ou le souvenir d’enfance. Paris : Gallimard.
Schmitt, A. (2007). « La perspective de l'autonarration ». Poétique. N°1. pp. 15-29.
Schmitt, A. (2005). « Auto-narration et auto-contradiction dans Mercy of a Rude Stream de Henry Roth ». L'autorité en question, Annales du CLAN. dir. YC Grandjeat & Christian Lerat, Pessac. Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine. N° 29. pp. 179-195.
Shabanifar, Sh., Fahim Kalam, M. (2021). « La Mythomanie dans La Ronde de Nuit et Dora Bruder de Patrick Modiano ». Recherches en Langue et Littérature Françaises. Publié en ligne.
Tavana, E. (2013). Autofiction doubrovskienne ou fiction au service de la vérité autobiographique ? Mémoire de master. Mashhad : Université Ferdowsi de Mashhad.
Vilain, P. (2005). Défense de Narcisse. Paris : Grasset.
Vilain, P. (2009). L'autofiction en théorie. Suivi de deux entretiens avec Philippe Sollers & Philippe Lejeune. Paris : Transparence.
| ||
آمار تعداد مشاهده مقاله: 611 تعداد دریافت فایل اصل مقاله: 207 |