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La spatiotemporalité bachelardienne à travers L’Emploi du Temps de Michel Butor | ||
| Revue des Études de la Langue Française | ||
| مقاله 9، دوره 17، شماره 1 - شماره پیاپی 32، مهر 2025، صفحه 109-122 اصل مقاله (402.91 K) | ||
| نوع مقاله: Original Article | ||
| شناسه دیجیتال (DOI): 10.22108/relf.2025.145589.1268 | ||
| نویسندگان | ||
| Leila Naghi1؛ Mojgan Mahdavi Zadeh* 2 | ||
| 1Master II, département de Français, Université d’Ispahan, Iran | ||
| 2Maîtresse de conférences, département de Français, Université d’Ispahan, Iran | ||
| چکیده | ||
| Créant le cadre temporel des souvenirs vécus, l’espace joue un rôle fondamental dans notre vie quotidienne. Michel Butor, essayiste et nouveau romancier du XXe siècle, accorde une place privilégiée aux concepts de l'espace et du temps, deux éléments indispensables à la vie humaine et toujours en interaction. Ces deux facteurs s’influencent mutuellement; en se souvenant d’une période, l’homme se souvient d’un lieu et vice-versa. La problématique de cette recherche est de voir comment dans L'Emploi Du Temps de Michel Butor, le narrateur se familiarise avec un labyrinthe temporel sous l'influence du labyrinthe spatial, et comment les dimensions spatiotemporelles ont été mentionnées à travers cette œuvre et comment un journal intime donne naissance à une véritable exploration poétique et phénoménologique de l’existence. Notre objectif était l’analyse de la spatiotemporalité bachelardienne à travers cet ouvrage. La méthodologie de recherche est basée sur des analyses phénoménologiques et des recherches documentaires relatives à l’application de la théorie des dimensions spatio-temporelles de Gaston Bachelard sur L'Emploi Du Temps de Michel Butor, pour voir comment le narrateur perçoit, ressent et habite l’espace. Ainsi, nous avons pu démontrer à travers cet article que dans ce texte de Butor, le labyrinthe spatiotemporel se manifeste comme une construction à multiples niveaux ou facettes, où le temps et l’espace sont fluides et incertains, donnant naissance à une complication spatiotemporelle. | ||
| کلیدواژهها | ||
| Espace؛ Temps؛ Labyrinthe؛ L’Emploi du Temps؛ Michel Butor | ||
| اصل مقاله | ||
|
Introduction Dans l’Emploi du Temps (1956), l’auteur met en scène une expérience du temps et de l’espace qui dépasse la simple narration linéaire. Pour Butor, l'homme est naturellement entouré par l'espace et le temps dès qu'il ouvre les yeux au monde. L'homme ne peut contrôler que l'espace et le temps vécus. En réalité, il s'affronte à un certain temps et un certain espace, mais il les utilise différemment dans son imagination. L'espace et le temps sont deux éléments qui permettent à l'homme de s'encadrer; pour conditionner, localiser et diriger la vie de l'homme, il faut de l'espace. Le temps permet de séparer les événements en périodes et de montrer la durée de leur déroulement. Pour éclairer cette poétique on peut avoir à la méthode bachelardienne dans la poétique de l’espace (1957) et dans La dialectique de la durée (1950). C'est ainsi que la vie est toujours soumise aux dimensions spatiotemporelles. Cet aperçu se penche sur L'Emploi Du Temps de Michel Butor (1956), concernant le style littéraire, l’esprit et le style de rédaction de cet auteur fabriquant un labyrinthe spatiotemporel, en utilisant divers outils et notions. Quant à l’analyse spatiotemporelle de cette œuvre, nous envisageons de voir comment le narrateur s’affronte avec le labyrinthe temporel sous l'influence du labyrinthe spatial dans L'Emploi Du Temps (1956) et comment les dimensions spatiotemporelles se montrent à travers cette œuvre. L'objectif principal de cette recherche est l’analyse spatiotemporelle de cet ouvrage et la manière par laquelle ces dimensions s’y présentent. La méthodologie du travail va s'appuyer sur des analyses phénoménologiques, en vue de voir comment le narrateur perçoit, ressent et habite l’espace, ainsi que l’application de la théorie de l'imaginaire spatiale de Bachelard, concernant les dimensions spatio-temporelles sur L'Emploi Du Temps de Michel Butor (1956), à travers des recherches documentaires. Par conséquent, notre approche sera phénoménologique et nous allons décrire l’expérience du temps et de l’espace vécu chez le narrateur. Concernant l’histoire de recherches déjà effectuées, les dimensions du temps et de l’espace ont toujours constitué l’un des axes centraux de la critique littéraire, en particulier dans le cadre du Nouveau Roman. Mettant l’accent sur les dimensions spatio-temporelles, des théoriciens tels que Gaston Bachelard, avec sa Poétique de l’espace (1957) et son insistance sur la poéticité du lieu, ainsi que Paul Ricœur et Bertrand Westphal, ont fourni un socle théorique pour l’analyse du roman. Parmi les écrivains du Nouveau Roman, Michel Butor occupe une place privilégiée, et son roman La Modification a fait l’objet de nombreuses études portant sur le temps et l’espace. Des recherches menées par Lucien Giraudot, Georges Rayer, ainsi que plusieurs thèses en France et en Iran, ont exploré la fonction du temps, de l’espace et de la symétrie dans les œuvres de Butor, notamment La Modification, Passage de Milan et Degrés. Néanmoins, L’Emplois du Temps (1956) de Butor pourrait toujours être le centre d’intérêt d’autres chercheurs, surtout ceux qui se focalisent sur la spatio-temporalité. Concernant le plan de ce modeste article, nous allons avoir un perçu sur divers aspects psychologiques de l’espace, puis sur ceux du temps, pour pouvoir mieux discerner l’esprit labyrinthique de Butor, cet écrivain majeur du Nouveau Roman.
Divers aspects psychologiques de l’espace L’espace réel, celui que nous expérimentons tout au long de notre vie depuis notre naissance, s’agit de l’endroit qui se manifeste immédiatement dans notre esprit lorsque nous pensons à la maison: celui qui marque nos premiers souvenirs d’enfance. Cet espace est intimement lié à la mémoire, car chaque fois que nous évoquons un souvenir, c’est souvent l’espace qui donne un contexte précis. En d’autres termes,
«Heureux ou triste, l’homme a tendance de se réfugier dans un côté de temps en temps. Cette zone de confort lui réchauffe le cœur, il s’y trouve à l’aise hors de son entourage. Il décroche de son quotidien, se retire en quelques lieux pour être en sureté, à l’abri. Ce lieu peut être un coin de la maison, de sa chambre ou de son bureau […] pour se sauver du cadre de la vie réelle» (Naghi, 2020, p. 2).
Dans La Poétique de l’Espace (1957), Bachelard explore la poétique de la maison en mettant en lumière ses différents recoins, les refuges intimes qu’elle offre et leur signification. Il propose une véritable étude psychologique de l’être à travers l’image de la maison, qu’il considère comme un voyage introspectif vers l’intimité de l’individu. La maison, dans sa conception, est un élément fondamental de l’existence humaine : elle abrite, protège et procure une sérénité essentielle. Sans cet espace, l’homme perdrait une part essentielle de sa paix intérieure. (Bachelard, 1957, pp. 27-35) Dès le début de son sombre périple, Revel, le personnage principal chez Butor dans L’emploi du Temps (1956), cherche refuge dans un coin de son compartiment de train. Le coin du compartiment devient un abri pour lui dès son arrivée à Bleston, où il allait travailler, lui offrant un espace protecteur pour se soustraire à un environnement oppressant et irritant: «[…] dans ce coin de compartiment où j’étais seul, face à la marche, près de la vitre noire […]» (Butor, 1956, p. 9). Chez Gaston Bachelard, la notion de la maison s’explique en analysant chaque partie ou pièce qui la compose. Pour lui, chaque coin d’une maison ou d’une chambre représente une solitude propre au rêveur. Ces coins abritent une "vie cachée", un espace de refuge où règnent le silence et l’introspection. Ces lieux, bien que simples en apparence, nourrissent de grands rêves et des imaginaires profonds: «[…] Un être vivant emplit un refuge vide. Et les images habitent. Tous les coins sont hantés, sinon habités. […] Et pourtant, dans de telles rêveries, quelle ancienneté a le passé. Elles entrent dans le grand domaine du passé sans date. […]» (Bachelard, 1957, pp. 167-168). Bleston garde les souvenirs des siècles précédents et cela attire Revel vers la connaissance de cette ville: «Bleston est la seule ville de toute l’Angleterre à posséder de beaux spécimens de cette période.» (Butor, 1956, p. 90). Bachelard souligne également une caractéristique particulière des coins, marqués par une demi-fermeture. En d’autres termes, ils forment des abris statiques, entourés par des murs et des portes, offrant un sentiment de sécurité et d’intimité au rêveur. Selon lui, une commode dans un coin fonctionne comme une maison ou un coin plein de rêve. (Bachelard, 1957, pp. 169-170) Cette notion est la même que l’idée de l’armoire chez Revel: «Ces deux débris ont été longtemps conservés dans une armoire de la sacristie; […]» (Butor, 1956, p. 99). D’après la pensée bachelardienne, il ne faut pas considérer un abri comme un lieu de confort. Par contre, il faut y trouver autre chose que le confort: «Dans la maison devenue par l'imagination le centre même d'un cyclone, il faut dépasser les simples impressions du réconfort qu'on éprouve dans tout abri. Il faut participer au drame cosmique soutenu par la maison qui lutte» (Bachelard, 1957, p. 72). Bachelard associe l'espace à l'imagination. Pour lui, la maison n'est pas simplement un endroit où l'on vit, mais plutôt un lieu où l'homme trouve de l'intimité et des souvenirs heureux du passé. Il estime que la maison est enveloppée d'images. Il faut bien évidemment se détacher de soi-même pour se trouver. Cependant, s’il ne se dégage pas, il ne se retrouve pas, il se perde et n’avance plus: «[…], C’était comme si je n’avançais pas; c’était comme si je n’étais pas arrivé à ce rond-point, […], comme si je me retrouvais non seulement au même endroit, […]» (Butor, 1956, p. 42). Aux yeux de Bachelard, la maison n'est pas simplement un lieu de résidence, mais un endroit où l'homme découvre une intimité et des souvenirs heureux du passé. Il considère que la maison est entourée d'images.
«La maison a de la chaleur. C’est là que l’homme trouve son confort. Les parties de la maison jouent leurs propres rôles dans l’imagination de l’homme. La cave, la partie souterraine de la maison, hors de bruit et de turbulence protège l’homme et lui donne l’occasion de voler son imagination» (Naghi, 2020, p. 5).
Lorsqu'on parle de la maison, il ne s'agit pas de la décrire dans ses moindres détails. Le phénomène à explorer est l'origine du bonheur. La maison incarne notre univers, notre cosmos, et nos racines profondes. Butor commence le roman par des lieux, des descriptions exactes et des directions. Il précise même son entrée dans Bleston. Nous l’accompagnons dans le compartiment où il réside, dans le train et nous voilà la vue de la ville du point de vue de Revel:
«C’est à ce moment que je suis entré, que commence mon séjour dans cette ville, […]. Cette inscription blanche sur de longs rectangles rouges: «Bleston Hamilton Station»[…].
Corrélativement, Bachelard pense que l’espace est au-delà d’une seule description: Moins gravée et travaillée qu’elle soit, plus elle se sort d’une seule description et alors c’est dans l’écriture qu’on peut l’orner. Tout y est important. Ce n’est pas une seule géométrie. Elle est au-delà d’une simple forme, au-delà d’une représentation. C’est une inspiration (Bachelard, 1957, p. 76). Bachelard examine les expériences de Rilke concernant la vieille maison. À l'intérieur de la maison, nous trouvons la solitude et la dignité qui y sont liées. Il faut du courage pour affronter ce cosmos hostile. La maison nous enseigne comment résister. Lorsque l'homme est confronté à l'hostilité du cosmos, la maison joue le rôle de protecteur, à l'instar d'un être humain. Un monde nouveau est au début anonyme pour l’homme et ça prend du temps pour lui à s’y adapter. Donc dans ce nouveau monde, il essaie de tout comprendre et de les décrire en détail : «[…] le cosmos forme l'homme, transforme un homme des collines en un homme de l'île et du fleuve. Il se rend compte que la maison remodèle l'homme» (Bachelard, 1957, p. 73). Par ce fait les nouveaux espaces situeront l’homme dans un moule et le changeront de format. Dans La Poétique de l’Espace, Bachelard parle des caves multiples et les méditations dans ces espace: C’est sous la terre que chemine nos actions et nos projets. Autrement dit, c’est une intimité dans l’espace (Bachelard, 1957, pp. Bachelard met l'accent sur l'importance des images. Il explore cette notion à travers les yeux d'un poète, puis, à présent, sous l'angle d'un phénoménologue:
«Pour un phénoménologue, la nuance doit être prise comme un phénomène psychologique de premier jet. La nuance n'est pas une coloration superficielle supplémentaire. Il faut donc dire comment, nous habitons notre espace vital en accord avec toutes les dialectiques de la vie, comment nous nous enracinons, jour par jour, dans un «coin du monde» (Bachelard, 1957, pp. 31-32).
L'espace de refuge imaginaire n'est pas un lieu vécu concrètement. L'homme s'échappe vers un coin ou un endroit dans son imagination, un espace pensé et irréel, mais où il se sent à l'aise et, «parcourir dans l’espace, c’est absorber les forces du temps et l’énergie des cycles temporels» (Abangah et Abbassi, 2023, p. 93). Dans La Poétique de l’espace, Bachelard valorise les différents types d'espaces sous leur aspect positif: les espaces heureux, aimés et ceux que nous possédons. Pour lui, ces espaces sont positifs car ils nous offrent une forme de protection. C'est pourquoi il accorde une grande attention aux images et aux espaces imaginés, qu'il valorise: «C’est dans l’espace que le réaliste puise ses intuitions premières. C’est dans l’espace aussi qu’il prouve l’objectivité du réel en y déterminant le rendez-vous des esprits» (Bachelard, 1937, p. 8). En ce qui concerne l’espace positif, nous pouvons mentionner la cathédrale et le grand vitrail qui plaisent à Revel: «[…], l’envie d’aller examiner ce grand vitrail que j’avais seulement aperçu lors de ma première visite, […], ce grand vitrail que j’étais bien sûr de n’avoir revu que le dimanche suivant […]» (Butor, 1956, p. 83). Bachelard imagine que chaque forme possède une vie, qu'elle soit morte ou vivante. Les espaces clos, étroits et cachés, comme les commodes, conservent des souvenirs et ne doivent pas être considérés comme morts. Le nid, par exemple, est une maison vivante pour l'oiseau, même si nous pensons qu'il est inerte: «Souvent, à propos de n'importe quoi, d'une goutte d'eau, d'une coquille, d'un cheveu, tu t'es arrêté, immobile, la prunelle fixe, le cœur ouvert» (Genette, 1966, p. 231). Tous les humains vivent dans leurs rêves, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Cela peut être déclenché par le stress, les préoccupations ou même la joie. En d’autres termes, bien qu’une personne soit chez elle, son esprit peut être ailleurs : au bureau, en train de travailler sur un projet, ou en voyage, que ce soit avec des amis ou seul: «Jacques Revel a de fortes imaginations. Il croit que cette ville est entourée de mystère. Sur son chemin, il voit des maisons et des bâtiments qui paraissent énigmatiques, comme s’ils ont quelque chose dedans» (Naghi, 2020, p. 14). À travers l’espace intime, Bachelard explore la richesse et la grandeur de l’espace intime: il imagine un homme perdu au cœur d’une forêt, dans l’obscurité de la nuit, où il découvre son chemin dans une profondeur intérieure: «C’était comme s’il y avait eu quelque chose de truqué dans ces maisons encore mortes qui s’élevaient de plus en plus autour de moi» (Butor, 1956, Chez Proust, nous remarquons la même pensée de Bachelard: «Mais, par les intimités déjà anciennes qu’il avait parmi eux, les gens du monde, dans une certaine mesure, faisaient aussi partie de sa maison, de son domestique et de sa famille. Il se sentait, à considérer ses brillantes amitiés, le même appui hors de lui-même, le même confort, qu’à regarder les belles terres, la belle argenterie, le beau linge de table, qui lui venaient des siens» (Proust, 1946-1947, p. 196). Bien sûr, il s'agit d'une rêverie. C'est l'esprit humain qui perçoit tout, une immensité qui se révèle vaste, comme le souligne Baudelaire dans ses paroles. Genette partage la même idée que celle de Bachelard: «Avant d'être un spectacle conscient, tout paysage est une expérience onirique» (Genette, 1966, p. 233). L’homme est constamment en quête d’un refuge, d’un abri. Dans nos rêveries, nous créons des images, et chaque individu a ses propres images intérieures. C’est dans l’intimité de la maison que ces images prennent forme. L’auteur utilise l’espace urbain comme une toile de fond mouvante. La ville, dans le roman, devient un autre labyrinthe: ses rues, ses bâtiments, ses lieux de travail et de loisirs sont décrits avec une telle précision qu’ils deviennent à la fois familiers et inaccessibles. L’espace semble se démultiplier, se déformer et se confondre avec les perceptions internes du protagoniste, brouillant ainsi la frontière entre le monde extérieur et la réalité intérieure. Mais surtout, Butor manipule le langage lui-même, qui devient une sorte de fil conducteur dans ce labyrinthe. L’écriture fragmentée, les digressions et les répétitions accentuent la discontinuité entre les différentes dimensions temporelles et spatiales. Le narrateur, à travers ses réflexions et ses obsessions, semble en quête de sens dans ce monde déstructuré, ce qui renforce l’idée que le labyrinthe spatiotemporel est aussi un produit de la subjectivité humaine et de ses limitations face à la réalité.
Divers aspects psychologiques du temps Lorsque nous parlons du temps, c’est le temps vécu qui attire naturellement notre attention: les heures, les jours, les mois, les années, ainsi que le passé, le présent et le futur, l’heure et l’instant. Le passé représente un temps où une action a été accomplie, le présent est celui où les choses sont en train d’être réalisées, et le futur concerne ce qui arrivera bientôt. Nous pouvons même rêver dans ce temps.
«Le temps réel, est un temps auquel l’homme est dans la temporalité universelle. Ainsi, au premier abord, les trois types temporels, le passé, le présent et le futur viennent en tête de tout homme. Ensuite, il y a les heures, les jours, les mois et les années durant ces trois notions temporelles réelles. Ce type temporel se réfère à tout ce que l’homme fait quotidiennement chaque heure, chaque jour, chaque moi, etc.» (Naghi, 2020, p. 17).
Dans L’Emploi Du Temps, Butor aborde de différentes dimensions temporelles réelles, celle des siècles précédents pendant lesquels des histoires mythiques sont accomplis: Plus tard, à ce propos, dans la Cathédrale il y a des références au passé lointain. Comme si l’auteur nous invite vers un voyage au passé: «[…]; il a fallu attendre jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle pour que nous commencions à reprendre du terrain, surtout sur les nouveaux venus, je dois l’avouer» (Butor, 1956, p. 101). Gaston Bachelard, renommé par ses théories du temps, ne reconnait le temps réel que par l’instant et que la durée n’est qu’un groupe d’instants: «Le temps ne se remarque que par les instants; la durée – nous verrons comment – n’est sentie que par les instants. Elle est une poussière d’instants, mieux, un groupe de points qu’un phénomène de perspective solidarise plus ou moins étroitement» (Bachelard, 1932, p. 28). Bachelard se lance dans la dialectique des temps. Westphal distingue Gaston Bachelard autres auteurs et critiques par sa pensée ouverte. Il le trouve comme un remarquable créateur d'images de l’espace et du temps. Il décrit l’espace de manière à ce que le lecteur puisse s’y situer, main dans la main avec lui, et voyager au cœur de l’espace, découvrant des aspects de lui-même qu’il ignorait jusque-là. Quant au temps, il invite le lecteur à voyager avec lui, ce grand compagnon, à travers le passé, les souvenirs ou même dans son propre intérieur, pour se réfugier de la réalité du présent. La géocritique, en tant que science, se penche sur l’analyse de l’espace imaginaire. (Westphal, 2000) Au commencement de La Poétique De L’Espace, Bachelard remarque que les temps différents influence l’un à l’autre: «Le passé, le présent et l'avenir donnent à la maison des dynamismes différents, des dynamismes qui souvent interfèrent, parfois s'opposant, parfois s'excitant l'un l'autre» (Bachelard, 1957, p. 34). Il y a une relation étroite entre la solitude et l’instant solitaire selon Bachelard: Nous nous référons à l’idée de Bachelard en ce qui concerne les saisons: «Nous avons mis ainsi la mélancolie sur l'automne pour que, doucement, insensiblement, en mourant, les feuillages puissent passer du vert à l'or» (Bachelard, 1950, p. 52). Au début, Jacques Revel semble être submergé par la confusion de Bleston. Le brouillard, les rues ressemblant à des labyrinthes et le sentiment d’étrangeté font que le temps quotidien paraît linéaire et pesant. Tout cela pourrait être pris pour une immédiateté chaotique. Puis, à force d’écrire, ce temps linéaire devient circulaire. Dans la rédaction de ce journal, nous rencontrons beaucoup de retours en arrières, beaucoup d’anticipations. L’arrivée de Revel à Bleston est en accord avec le temps et la saison. Ce qu’il éprouve est harmonique avec la nature de l’automne; la tristesse et la froideur. De la même idée, Bachelard parle des autres saisons ailleurs: «L’heure de la fraise, l'heure de la pêche et du raisin sont des occasions de renouveau physique, d'accord avec le printemps et l'automne. Le calendrier des fruits est le calendrier de la Rythmanalyse» (Bachelard, 1950, p. 143). De la part de Bachelard, les saisons sont harmoniques. L’automne est du mort pourtant le printemps et du renouvellement. Comme si l’homme perde sa coquille en automne et se modifie jusqu’au printemps. L’homme est accordé avec la nature. «De différentes saisons dans L’Emploi Du Temps aident à l’auteur de bien avancer dans son histoire. Ce que Revel ressent, le personnage principal vers tout, l’énigme de Bleston et du livre Le Meurtre De Bleston, tous s’intègrent avec de différentes dimensions temporelles. C’est en automne que tout paraît ambigu. Cette saison énigmatique qui ne permet pas à Revel de tout comprendre» (Naghi, 2020, p. 21).
Selon Bachelard, la superposition temporelle conduit à une continuité: le temps possède plusieurs dimensions, telles que la longueur, la lenteur et l’épaisseur. La continuité du temps dépend de son épaisseur. Ainsi, les différents temps sont indépendants, et nous les superposons pour créer une sorte de continuité. Il devient donc nécessaire de mener une exploration psychologique des temps superposés. Bachelard ajoute que le temps vécu et le temps pensé ne sont pas synchrones, soulignant leur décalage. Le temps vécu et le temps romanesque sont distingués. Le temps romanesque établie un ordre dans le récit. (Brunel et al., 1977, p. 103) A ce propos, nous soulignons l’idée de Genette: «Ce que l'on vient de voir de l'emploi des temps s'éclaire encore si l'on considère l'ensemble de l'écriture narrative et descriptive de Robbe-Grillet. Il s'agit, comme l'a montré Roland Barthes, d'une écriture littérale, qu'aucune expressivité affective ou poétique n'altère dans sa rigueur» (Genette, 1966, p. 75). Les moments intimes réels désignent ces instants où l'homme, de manière inconsciente, voyage vers son intérieur, se réfugiant dans un espace où il se réfléchit en lui-même. Par conséquent, nous distinguons que le passé, le présent et l’avenir s’entrecroisent. Autrement dit, le temps objectif de l’horloge se transforme en une durée subjective intérieure, similaire à ce que Bergson appelait «une durée». Cette temporalité poétique domine l’espace. Tout comme l’homme vit dans le temps universel, il se trouve également dans ses souvenirs du présent, du passé, ou dans l’attente de l’avenir. Il se réfugie dans les moments heureux ou tristes du passé, ainsi que dans les instants joyeux qu’il attend avec impatience, un temps qui apaise ses inquiétudes.
«Dans L’Emploi Du Temps, Michel Butor aborde un personnage intime, Jacques Revel. Nous l’accompagnons dans tous les moments du roman. Nous sommes mêmes dans la pensée de ce personnage. À vrai dire, ce journal intime qu’il rédige est de tous les souvenirs qu’il se souvient des mois précédents. Comme s’il ferme les yeux et dans son intimité se rappelle à peu près de tout» (Naghi, 2020, p. 24).
À propos du temps, il est à noter que De plus, la densité et l’épaisseur du temps n’ont pas la même rigueur et sévérité dans L’Emploi Du Temps (1956). Ainsi, le temps de l’entrée de Revel dans la ville de Bleston ne porte pas le même poids qu’au temps du travail dans l’entreprise de Matthews and Sons: «Le roman de Butor aide aussi à prendre conscience que tous les instants ne se valent pas, n’ont pas la même densité» (Gallon, 2013, p. 694). Dans La Dialectique De La Durée, Bachelard ajoute que: «La durée est solidarité et organisation d'une succession de fonctions dans sa prise de conscience continue, la vie est rêverie - la rêverie elle-même est une mélodie spirituelle, aux incidents paradoxalement libres et fondus» (Bachelard, 1950, pp. 112-113). Chaque soir, Revel se trouve dans sa chambre en notant tout ce qui lui est arrivé: «C’était la première fois que je consacrais l’après-midi d’un samedi à cette recension de mes heures passées, poursuivies depuis le début de mai; […], ce dégage qui occupe maintenant si régulièrement toutes mes soirées de semaine, […]» (Butor, 1956, p. 105). A cet égard, également, Bachelard explique que notre mémoire n’est pas sous un ordre temporel : Le souvenir de notre passé est autre que le souvenir de notre durée. Dans le souvenir de notre passé nous savons tous et le temps n’est pas dynamique. Nous allons à la découverte de nous-même dans notre souvenir du passé.
«L'image de la rêverie est gratuite. Elle n'est pas un souvenir pur parce qu'elle est un souvenir incomplet, non daté. Il n'y a pas de date et de durée où il n'y a pas de construction; il n'y a pas de date sans dialectique, sans différences. La durée, c'est le complexe des ordinations multiples qui s'assurent l'une sur l'autre. Si l'on prétend vivre dans un domaine unique et homogène, on s'apercevra que le temps ne peut plus marcher» (Bachelard, 1950, p. 57).
Nous rêvons deux fois, et même l’image la plus simple comporte deux niveaux. D’un côté, l’image simple offre une vision directe, et de l’autre, elle cache une profondeur, une signification dissimulée. L’homme s’écarte de son quotidien par une image. Butor situe Revel dans un temps oublié. Une seconde paraît si longue qu’il lui donne l’occasion de se réfugier dans ses rêves: «[…], j’ai été envahi, toute une longue seconde, […]; mais un immense fossé me séparait désormais des événements de la matinée et […]» (1956, p. 11). Un voyage vers soi-même, ou une introspection, ne peut s'accomplir qu'en s'affranchissant de tout ce qui n'est pas authentiquement soi. En somme, il faut échapper et se libérer de ce qui nous emprisonne, notamment du monde extérieur:
«Pour se référer à une expérience intime il faut pouvoir échapper à son caractère vague. Caractère tout spécial de l'observation intime, un jugement de valeur intervient qui éclaire le simple jugement d'expérience. Impossible de connaître le temps sans le juger» (Bachelard, 1950, pp. 44-45).
Lorsqu’un orage éclate, l’homme quitte la maison, non pas pour profiter du vent, mais pour s’immerger dans la rêverie. Il confie alors au vent la responsabilité de protéger la demeure de l’homme et de préserver son refuge. Sur un plan positif, la maison joue un rôle maternel: elle enveloppe l’homme, et malgré la violence du vent, elle le protège. De manière comparable, nous observons l’adaptation de Revel à Bleston, bien que cette adaptation soit, pour lui, empreinte de négativité.
Michel Butor a construit ce labyrinthe spatiotemporel dans L'Emploi du Temps (1956) en utilisant une structure narrative innovante et non linéaire qui bouleverse la relation traditionnelle entre le temps et l’espace. Plusieurs éléments contribuent à la formation de ce labyrinthe dans le roman ; Butor joue sur la temporalité en multipliant les niveaux de temps. L’histoire ne suit pas un déroulement chronologique, mais s’entrelace à travers des scènes qui se déroulent simultanément ou à des moments différents, et parfois même dans des dimensions parallèles. Ce jeu de superpositions temporelles rend difficile pour le lecteur de s’orienter dans l’intrigue, tout comme le narrateur lui-même semble perdu dans sa perception du temps.
Butor, Nouveau Romancier à l’esprit labyrinthique Michel Butor, écrivain majeur du XXe siècle, a tracé un nouveau chemin dans sa carrière littéraire. Aujourd'hui, il se faire connaitre comme un auteur exceptionnel, en raison de son esprit complexe. D'une part, il a rejeté les règles traditionnelles de la rédaction romanesque, et d'autre part, il a écrit ses œuvres de manière à perturber les lecteurs dès le début de leur lecture. Le XXe siècle a été marqué par de nombreuses révolutions dans divers domaines, notamment en littérature. Parmi les démarches qui ont émergé, le Nouveau Roman, bouleversa la conception traditionnelle du roman. Ça vaudrait la peine d’aborder l’idée de Proust: «Cet éloignement imaginaire du passé peut-être une des raisons qui permettent de comprendre que même de grands écrivains aient trouvé une beauté géniale aux œuvres de médiocres mystificateurs comme Ossian» (Proust, 1954, p. 417). Chaque romancier a sa propre manière d'utiliser sa plume dans ses écrits. Comme le souligne Michel Butor, chaque écrivain a sa propre vie et ses propres façons d'écrire: Dans un Entretien avec André Clavel, Michel Butor précise que la vie d’un écrivain se manifeste dans ses œuvres. Il estime que la biographie ou la vie vécue d’un écrivain ne s’écarte pas de sa plume. (Butor, 1996, p. 10). Il est important de noter que Butor a rédigé ses œuvres littéraires sous l'influence de ses voyages. Par exemple, son séjour en Égypte l'a inspiré à écrire Le Génie du lieu, Le Passage de Milan, tandis que son séjour en Angleterre l'a conduit à l'écriture de La Modification et L'Emploi du Temps (1956).
«C'est l'art de Butor de choisir un interlocuteur pour le narrateur afin de captiver l'attention des lecteurs et les immerger dans l'histoire, de sorte qu'ils aient l'impression d'être eux-mêmes présents dans ce voyage et de tout observer. De plus, ce roman présente une dimension spatio-temporelle marquée. Attiré par les concepts de temps et d'espace, Butor exploite toutes les notions liées à ces éléments pour rendre l'histoire profondément labyrinthique. Le voyage et le train, en particulier, évoquent avec précision l'idée du temps et de l'espace» (Naghi, 2020, p. 40).
En tant qu'initiateur du Nouveau Roman, Butor place son personnage principal dans un cadre spatio-temporel, mais sans limitation stricte. Il ne le cantonne jamais à une scène de théâtre précise, sur une durée déterminée. Au contraire, il le situe à l'orée d'une découverte ou d'une ouverture, et c'est le personnage lui-même qui voyage à travers l'espace, explorant même des dimensions au-delà de l'espace tangible. Le jeu entre l'espace et le temps traverse toutes ses œuvres. Il place son personnage dans des situations où il doit se connaître, se perdre, puis se retrouver. D'après Giraudo, avec la publication de Mobile, étude pour une représentation des États-Unis et Réseau aérien, un texte radiophonique, Butor entame une nouvelle période marquée par des œuvres littéraires d'une grande originalité formelle. (Giraudo, 1995, p. 4) À vrai dire, «L’espace littéraire est l’espace imaginaire de l’oeuvre d’art» (Blanchot, 1955, Selon Pierre Brunel, il est essentiel d'analyser l'influence dans les œuvres de Butor. Dans Le Passage de Milan, on perçoit du bruit et des vacarmes, tandis que dans L'Emploi du Temps (1956), un personnage ennuyé et préoccupé évolue dans une ville lente. Dans La Modification, ce sont de nombreuses images qui dominent. Ces œuvres reflètent clairement l'état d'esprit préoccupé de Butor, et on peut y déceler une sorte de maladie chez le personnage principal, Revel. Ce dernier semble se détacher de tout, avec difficulté, dans une quête de lui-même ou de guérison. De plus, ce n'est pas uniquement le labyrinthe urbain qui joue un rôle important dans L'Emploi du Temps, mais aussi le labyrinthe du texte, de l'écriture et du langage (Brunel, 1977, pp. 9-10). Les œuvres de chaque auteur s'articulent généralement autour d'une idéologie ou d'un thème particulier. La mentalité de Michel Butor est si complexe et labyrinthique qu'un lecteur, même novice, peut la percevoir dès les premières lignes. Butor place souvent son personnage dans un espace précis, comme un compartiment de train, symbolisant un voyage d'un lieu à un autre, soulignant ainsi le mouvement constant et l'évolution du personnage à travers le temps et l'espace. Une étude psychanalytique est une analyse structurale. C’est une découverte qu’apporte succès à une œuvre (Bouiliaguet, 1994, p. 23). Chez Butor, le personnage est souvent en quête de soi-même. Dans La Modification, le personnage se trouve dans un wagon, voyageant de Paris à Rome. L'ensemble de l'histoire se déroule dans ce train, et le titre du livre est parfaitement lié à la thématique du récit: il évoque une transformation intérieure du personnage. Ce dernier entame son voyage avec l'espoir de trouver la paix, mais cette quête de tranquillité se heurte à sa propre évolution. Michel Butor amène les lecteurs vers une imagination du dedans (Lalande, 1972, p. 4). Butor y met Jacques Revel dans un wagon auquel ce dernier se sent sous un abri contre une ville qui n’est pas apprivoisé. Les deux personnages se trouvent dans une aventure indispensable que pour l’un, c’est favorable pourtant pour l’autre c’est désagréable. Quand l’homme entre dans la maison de ses rêves et fait des rêveries, tout s’efface d’un coup. C’est l’onirisme; la maison que l’homme n’a pas vécue mais qu’il en garde des souvenirs (Bachelard, 1948, p. 88). Butor aborde la pensée de Baudelaire dans Essai sur les modernes: L’œuvre d’un poète est plus qu’une œuvre. Un poète que critique. Il va au-delà d’une compréhension simple. Il va convaincre un lecteur (Butor, 1960-1964, p. 9). Dès les premières lignes des romans de Butor, on perçoit une certaine nouveauté et une écriture profondément révoltée chez lui. Butor rejette les règles et les conventions. Il se débarrasse de tout ce qui pourrait catégoriser ses œuvres et se soustrait à toute définition qui pourrait les confiner dans un cadre précis. «La vérité c’est que les gens voient tout par leur journal, et comment pourraient-ils faire autrement puisqu’ils ne connaissent pas personnellement les gens ni les évènements dont il s’agit?» (Proust, 1954, p. 121) Valette aborde une partie de l’entretien de Michel Butor avec Clavel : Butor avoue que sa vie et ce qui se passe à lui se révèlent dans ses ouvres. Selon lui, il y a une relation étroite entre une œuvre littéraire et ce qu’un auteur éprouve (Valette, 1999, p 7). Ricœur met ainsi en cause la mise en intrigue: «Approfondir la notion de mise en intrigue, c’est confronter l’intelligence narrative, forgée par la fréquentation des récits transmis par notre culture, avec la rationalité mise en œuvre de nos jours par la narratologie et, singulièrement sémiotique narrative caractéristique de l’approche structurale» (Ricœur, 1984, p. 13). Dans son ouvrage L'Emploi du Temps, Michel Butor, selon Giraudo, pense que son séjour en Égypte a eu une grande influence sur l'écriture de plusieurs de ses ouvrages, […]. En tant que lecteur à l'Université de Manchester en Angleterre, Butor commence à écrire L'Emploi du Temps, qui est publié aux Éditions de Minuit en 1954. Il poursuit la rédaction de ce roman, et en 1956, il est à nouveau publié chez le même éditeur, obtenant le prix Fénéon (Giraudo, 1995, pp. 3-4). Pouillon distingue les romans de la durée et les romans de la destinée (Pouillon, 1946, pp. 74-84). Le labyrinthe spatiotemporel dans L'Emploi du Temps se manifeste à travers plusieurs aspects, tant dans la structure narrative que dans la manière dont le protagoniste, et le lecteur, naviguent entre différents espaces et temporalités. Il existe quelques manières dont ce labyrinthe se déploie ; une structure narrative éclatée: (les événements souvent racontés par à-coups, sans ordre chronologique évident.). L’espace comme un labyrinthe urbain: (La ville devient un espace clos et labyrinthique où chaque rue, chaque lieu de travail, chaque bureau se retrouve imbriqué dans une géographie mentale.). Les déplacements physiques du narrateur dans cette ville se font dans un espace qui semble à la fois familier et étranger, comme s’il y avait une distance entre l’espace objectif et l’espace perçu. Cet entrelacement rend l’espace urbain aussi labyrinthique que le temps. L’effet du "temps suspendu" et des réflexions intérieures: (Le temps dans le roman est également déstructuré par le décalage entre le temps subjectif du narrateur (qui fluctue au gré de ses états d’âme, de ses réflexions ou de ses obsessions) et le temps objectif (celui des événements extérieurs). Ce décalage temporel donne un sentiment de suspension, comme si le narrateur était pris dans un cycle sans fin où passé, présent et futur s’entrelacent de manière confuse. Il a toujours été évident que «le Temps, révèle son vrai visage sans pitié» (Abangah et Abbassi, 2023, p. 90). Nous constatons à travers ce roman que la vie vécue métamorphosée par l’art d’écrire, contribue à une sorte de poétisation de l’expérience. Le temps et l’espace subissent des transmutations pour paraître plutôt poétique. Le temps linéaire devient circulaire et démontre une durée intérieure; l’espace est alors en transmutation vers un espace orné de sens et promulguant une résonance intérieure. L’écriture joue un grand rôle dans la poétisation du temps et de l’espace. Le nombre d’images, les redondances et les métaphores transforment ce journal quotidien en un carnet littéraire, plein de notations quotidiennes, signes symboliques et esthétiques.
CONCLUSION En conclusion, nous référant aux idées spatiotemporelles bachelardiennes, nous avons exploré en profondeur les diverses dimensions spatiotemporelles de L'Emploi Du Temps de Michel Butor (1956), la complication des lieux, puis celle du temps en faisant l’analyse de l’espace, du temps et de la pensée butorienne afin de trouver le fait par lequel l’auteur de l’emploi du temps est arrivé à une complication temporelle par un labyrinthe spatial. En combinant ces éléments – temporalité fracturée, espace mouvant et langage éclaté – Butor parvient à matérialiser un labyrinthe spatiotemporel qui reflète non seulement l’impossibilité de saisir pleinement la réalité, mais aussi les conflits intérieurs de l’individu moderne face à un monde en constante transformation. L’analyse de L’Emploi du Temps (1956) à la lumière des réflexions bachelardiennes sur l’espace et le temps a révélé que l’œuvre butorienne ne se limite pas à une simple expérimentation formelle: elle construit un véritable chronotype labyrinthique, où espace et temporalité se dédoublent, se décalent et s’entrelacent. L’étude de ce roman, éclairée par les concepts spatiotemporels bachelardiens, a permis de montrer comment l’auteur déploie une véritable poétique du labyrinthe, où le temps et l’espace cessent d’être des catégories fixes pour devenir des instances mouvantes, incertaines et profondément intriquées. En fait, ce roman dépasse le réalisme psychologique pour s’ériger en expérience phénoménologique, c’est un roman où le temps et l’espace ne sont pas des cadres neutres. Une durée intérieure subjective remplace le temps objectif de l’horloge. L’espace se charge de sens et de résonances intérieures et culturelles pour ne plus être uniquement le représentatif d’une zone géographique quelconque. Et le temps, et l’espace, deviennent poétiques. Ainsi, L’Emploi du Temps (1956) ne raconte pas seulement une histoire: il matérialise une expérience spatiotemporelle. Le roman ne se contente pas de représenter la fragmentation du monde moderne: il fait vivre au lecteur, l’expérience même de cette fragmentation, en l’entraînant dans un univers où la linéarité du récit se brise au profit d’une temporalité circulaire, réversible et ouverte. Ce chronotope, proprement butorien, ne s’épuise donc pas dans la complication narrative: il constitue une mise en forme littéraire de l’incertitude existentielle. L’espace mouvant et le temps fracturé deviennent la métaphore d’une condition humaine en quête de repères, mais toujours confrontée à l’instabilité du réel et à l’opacité de la mémoire. Cette configuration spatiotemporelle ne répond pas seulement à un souci de construction narrative. Elle traduit, plus profondément, l’ambition butorienne de donner une forme littéraire aux incertitudes existentielles de l’individu moderne. Dans ce chronotope, le sujet se perd et se cherche, pris dans des méandres où les repères se brouillent et où la mémoire se confond avec l’imaginaire. La ville devient alors plus qu’un décor: elle se fait miroir de l’intériorité, matérialisation concrète de l’angoisse et de l’errance du protagoniste, mais aussi du lecteur, invité à partage cette immersion plutôt déstabilisante. Autrement dit, le labyrinthe spatiotemporel de cet ouvrage, invite ainsi à une réflexion sur la condition moderne, où l’individu cherche encore à trouver un sens dans un univers aux multiples facettes, souvent indéchiffrables et contradictoires. | ||
| مراجع | ||
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Abangah, Z., et Abbassi, A. (2023). La fuite du Temps chez Charles Baudelaire L’analyse de l’Imaginaire littéraire dans les poèmes de Charles Baudelaire. Revue des Études de la Langue Française, 15(2), 89-102. https://doi.org/10.22108/ relf.2024.142394.1242 Bachelard, G. (1932). L’Intuition De L’Instant. Gonthier. Bachelard, G. (1937). L’Expérience De L’Espace. Librairie philosophique J. Vrin. Bachelard, G. (1948). La Terre et la Rêverie de la Volonté. Librairie José Corti. Bachelard, G. (1950). La Dialectique de la Durée. PUF. Bachelard, G. (1957). La poétique de l’espace. PUF. Blanchot, M. (1955). L’espace littéraire. Gallimard, Collection Blanche. Bouiliaguet, A. (1994). Marcel Proust, Bilan critique. Nathan. Brunel, P., Madelénat, D., Gliksohn, J. M., et Couty, D. (1977). La Critique Litteraire. PUF. Butor, M. (1956). L’Emplois du temps. Les Editions de Minuit. Butor, M. (1960-1964). Essai Sur Les Modernes. Gallimard. Butor, M. (1996). Curriculum vitae : Entretien avec André Clavel. Plon. Gallon, S. (2013). L’Emploi Du Temps dans ”L’Emploi Du Temps” de Butor [Thèse de doctorat, Université de Renne 2]. https://theses.hal.science/tel-00815688/ Genette, G. (1966). Figures I. Seuil. Giraudo, L. (1995). L’Emploi Du Temps, Michel Butor. Nathan. Lalande, B. (1972). La Modification Butor. Hatier. Naghi, L. (2020). Dimensions spatio-temporelles à travers L’Emploi du Temps de Michel Butor basées sur les théories de Gaston Bachelard (soutenu le 21.12.2020) [Mémoire de Master, Université d’Ispahan]. https://lib.ui.ac.ir/ inventory/6/1048.htm Pouillon, J. (1946). Temps et roman. Gallimard, Collection La Jeune Philosophie. Proust, M. (1946-1947). À la recherche du temps perdu I, Du côté de chez Swann (Première partie). Gallimard. Proust, M. (1954). Marcel Proust, À la recherche du temps perdu I. Gallimard. Ricœur, P. (1984). Temps et récit II, La Configuration dans Le récit de fiction. Seuil. Valette, B. (1999). Étude sur Butor, La Modification. Ellipses. Westphal, B. (2000). La Géocritique Mode d’Emploi. Pulim. | ||
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