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Étude de la première rencontre dans le roman Šowhar-e Āhu Khānom d’Ali-Mohammad Afghani selon le modèle de Jean Rousset | ||
Revue des Études de la Langue Française | ||
مقاله 5، دوره 14، شماره 1 - شماره پیاپی 26، مهر 2022، صفحه 49-64 اصل مقاله (1.02 M) | ||
نوع مقاله: Original Article | ||
شناسه دیجیتال (DOI): 10.22108/relf.2022.134616.1196 | ||
نویسنده | ||
Sadi Jafari Kardgar* | ||
Maître-Assistant, Département de Français, Branche Machhad, Université Azad Islamique, Machhad, Iran | ||
چکیده | ||
Le critique français Jean Rousset estime que le thème de la première rencontre est présent dans la plupart des romans et, malgré sa faible part dans le texte, joue un rôle important dans la détermination du déroulement de l'histoire et du destin des personnages. Nous pensons que dans le roman Šowhar-e Āhu Khānom, le sujet de la première rencontre est au centre des événements, de sorte que l'explication de cet événement principal et l'analyse des éléments qui y participent conduisent à une meilleure compréhension de l'effet. Pour cela, selon la méthodologie de Rousset, nous avons d'abord étudié les composants de la mise en place : l'espace, le temps et les personnages, puis ceux de la mise en scène : l'effet, l'échange et le franchissement ont été examinés. Notre méthode de recherche est descriptive-analytique pour laquelle nous avons suivi les théories de Rousset. Selon les données de cette étude, la chute de Miran, le personnage principal de l'histoire, se produit en deux temps. La première rencontre éveille en lui la curiosité et l'admiration, et la deuxième lui provoque le coup de foudre. La beauté et l'innocence extraterrestres de la jeune femme jouent un grand rôle dans la captivité de Miran. | ||
کلیدواژهها | ||
Ali Mohammad Afghani؛ critique thématique؛ Jean Rousset؛ première rencontre؛ Šowhar-e Āhu Khānom | ||
اصل مقاله | ||
Introduction Jean Rousset, critique et théoricien littéraire suisse de la deuxième moitié du XXe siècle, trouve une «cellule permanente» dans la diversité des relations entre les personnages et la décompose en éléments susceptibles d'analyse. Il élabore sa théorie structuraliste dans son ouvrage Leurs yeux se rencontrèrent, paru en 1981, pour décortiquer un thème qu’il prétend fréquent et qu’il baptise «première rencontre». Il fait une promenade anthologique dans la littérature française afin de fournir des exemples concrets d'études minutieuses de cette «cellule narrative» en appliquant son modèle sur plusieurs romans. J. Rousset n’est pas la seule personne à proprement parler de la «première rencontre». Hélène Sabbah reprenant le thème de la «rencontre», y consacre un ouvrage, mais d’une vue et d’une méthode différentes. Dans le paragraphe d’ouverture de son œuvre elle écrit: «Qu’est-ce qu’une scène de rencontre amoureuse? Dans la réalité comme en littérature, c’est un moment décisif dans la vie de deux êtres. Ils ne se connaissaient pas, et voilà que le hasard les met face à face, leur fait échanger un regard, modifie leur façon d’être et leurs sentiments» (Sabbah, 1992: 4). Ali-Mohammad Afghani, l'écrivain iranien se place parmi les grands romanciers du XXe siècle. Il a marqué de son empreinte la littérature romanesque persane surtout par son roman Šowhar-e Āhu Khānom (Le Mari de Madame Āhou, 1961). Dans ce roman de presque 800 pages, l’auteur fait une peinture réaliste de la société de son époque où une rencontre amoureuse se trouve au centre des événements. Nous imaginons qu'elle influe directement sur le déroulement de l'histoire et détermine décisivement le destin du personnage. Le présent article tentera de répondre aux questions suivantes: 1-Quels sont les effets de l'agencement spatio-temporel sur la rencontre? 2-Quel est le portrait des personnages? 3-Quelles caractéristiques du personnage féminin provoquent les sentiments du personnage masculin? 4-Par quel processus, un homme fidèle se résigne progressivement à un amour illégitime? Pour trouver les réponses à nos questions, nous allons aborder cette «cellule motrice» dans le roman, à la lumière des théories de J. Rousset. Dans l’incipit de son ouvrage il écrit:
«Mon thème est une scène, rien de plus : quelques lignes, parfois quelques pages, c’est peu dans la continuité d’un roman ; c’est beaucoup si l’on admet qu’elles constituent une scène-clé, à laquelle se suspend la chaine narrative, c’est beaucoup aussi dès que l’on jette un coup d’œil sur l’ensemble de notre trésor littéraire, la scène de rencontre est partout-ou presque» (Rousset, 1981: 7).
La méthode de J. Rousset est fondée sur deux axes : «mise en place» qui concerne l'étude de la spatio-temporalité et l'insertion des personnages et «mise en scène» qui s’intéresse aux «traits dynamiques» de la rencontre : «effet», «échange», et «franchissement». Nous allons d'abord présenter les antécédents de la recherche, puis le cadre théorique de la recherche et enfin nous allons passer à l'étude méticuleuse de «la scène de la première rencontre». Toutes les citations des œuvres persanes sont traduites par l'auteur de l'article.
Antécédents de la recherche Les critiques ont fait bon accueil de ce roman dès sa parution et y ont consacré de nombreuses études appréciatives. Un critique le considère comme un chef d'œuvre : «C'est le plus grand roman écrit en persan» (Parham, 1961: 4). Un autre découvre un talent exceptionnel chez M. A. Afhgani : «À l'exception de Sadegh Hedayat, nous ne trouverons personne qui puisse utiliser les proverbes et expressions persans avec une maîtrise et une délicatesse exemplaires» (Eslami Nadoushan, 1961: 14). Ce roman se trouve toujours au centre de débats littéraires mais les appréciations ne sont pas toujours positives: «Afghani écrit en suivant son instinct, son esprit n'a ni la cohérence ni l'éducation artistiques» (Mir-Abedini, 1990: 296), ou encore «le roman reflète la société de l'époque mais souffre parfois de descriptions ennuyeuses» (Sepanlou, 1987: 167). Dastgheyb essaie de voir d'un œil critique le bon et le mauvais accueil du roman par les Iraniens ainsi que par les étrangers (Dastgheyb, 1996 : 35-36). Tavakkoli Moghaddam a consacré son mémoire de master à l'étude sociocritique de trois romans persans dont Šowhar-e Āhu Khānom. Kahdouee et Shirvani ont tenté de relever les caractéristiques des personnages féminins du roman dans un article (Kahdouee & Shirvani, 2009: 71-86). Fatemeh Mohseni dans son mémoire de master, a effectué une recherche comparative sur la place de la femme dans ce roman et un autre roman iranien (Mohseni, 2013). Maliheh Ghasemi et Yadollah Jalali ont travaillé sur la psychologie des personnages principaux du roman (Ghasemi& Jalali, 2015: 85-124). Vu le grand nombre des recherches faites sur ce roman, nous nous sommes contentés d'en citer seulement quelques exemples. Quant aux études effectuées sur la littérature persane et inspirées de la méthodologie de J. Rousset, nous n'avons trouvé qu'un article sur trois histoires d'amour en poème, où l'auteure, après avoir révélé et analysé les traits dynamiques de la rencontre à la lumière de la théorie de Rousset, mentionne : «Cette étude a également mis en évidence la richesse et l'originalité de la poésie classique persane et a esquissé une évolution de la conception de l'amour au cours de laquelle, celui-ci, doté de toute profondeur et pudeur, revêt un aspect spirituel et mystique» (Houchmande, 2008-2009: 66). À notre connaissance, le thème de «la première rencontre» n'est pas encore abordé dans le roman d'Afghani.
Cadre théorique de la recherche Dans l'étude de la première rencontre nous agissons dans le cadre de la méthode de recherche proposée par Jean Rousset. Il explique que son thème est une « macro-séquence » qui se décompose en des micro-séquences et que son modèle permet au chercheur de «classer», «superposer» et «commenter» les traits constitutifs de la scène. Il justifie que pour dégager les éléments constants de cette diversité des premières rencontres, l’existence d’un modèle semble primordiale : «sans connaissance d’une norme, on manquerait de l’instrument permettant de percevoir les écarts et les transgressions» (Rousset, 1981: 40). Sa méthode contient deux classes de traits majeurs : «mise en scène» et «mise en place» que nous allons passer en revue dans la partie suivante.
Mise en place de la rencontre «La spatio-temporalité» comme l’un des composants constants de tout récit est repris dans le modèle de Rousset. Elle pourrait jouer un rôle inéluctable -opposant ou adjuvant- dans la rencontre. Ainsi à l’étude du temps et du lieu s’ajoute «l’insertion des personnages» comme troisième et dernier constituant de «la mise en place» de la rencontre pour lequel il est nécessaire de repérer toutes les informations concernant «le portrait» des personnages.
Temps de la rencontre D’après J. Rousset il faut a priori détacher «les indicateurs de temps (âge, moment, saison, circonstances diverses)» (Rousset, 1981: 41). Le moment de la journée, selon le degré de luminosité, peut garantir ou réduire et même bloquer la visibilité et ainsi agir sur l’émotion créée de la rencontre. L’automne chez les poètes romantiques dispose d’une gamme de valeurs symboliques et même contradictoires: la beauté de la nature et la joie de vivre, mais aussi la fuite du temps et la peur de mourir. En tout état de cause, l'étude de l'impact du temps sur les modalités de la rencontre paraît bénéfique.
Lieu de la rencontre Chez J. Rousset le lieu est doté d’une primordialité et donc d’une définition riche avec un emploi diversifié. Son importance vient du fait qu’il peut influer sur la rencontre. Il explique:
«J'ai déjà signalé la préférence souvent et logiquement accordée à un cadre de fête, de cérémonie, de rassemblement public, […] seuil, passage, carrefour, etc.. dans cet espace qu'il soit décrit (Flaubert, Rousseau) ou simplement désigné, on prêtera la plus grande attention aux positions des personnages ; la place que les partenaires occupant l’un par rapport à l’autre: proximité ou éloignement, immobilité ou mouvement, l’isolement ou présence de tiers, approche libre ou barrée… » (Rousset, 1981: 41 ).
Il existe donc des lieux qui multiplient la possibilité d'une rencontre, des lieux où les gens se réunissent pour une raison quelconque. Public ou privé, ouvert ou clos, petit ou grand, le lieu décide des modalités de l'évènement. L'espace fonctionne non seulement comme adjuvant ou opposant de la rencontre mais il détermine aussi «la position des acteurs» dans la scène.
Insertion des personnages C'est le troisième élément constitutif de la mise en place. D’une vue générale, l’étude du personnage peut porter sur son identité et surtout son portrait : «Il est statuaire que ces acteurs soient pourvus d'une figure, apparence physique et vestimentaire par conséquent social, ethnique: l’occasion du portrait […] complet ou lacunaire, présenté dans l’ordre (du haut vers le bas) ou dans le désordre (Madame Bovary) ou simplement esquisse (Crébillon)» (Rousset, 1981: 41). Enfin, pour J. Rousset, ce qu’un personnage soit pourvu d’un nom est une question d’existence: «les personnages demeurent inexistants aussi longtemps qu’ils ne sont pas baptisés» (Rousset, 1981: 41). Il rappelle que la tradition narrative impose les noms des acteurs. Il mentionne des récits dans lesquels « toute la scène se joue sur la question du nom» (Rousset, 1981: 41), mais il arrive également que le nom soit gardé en réserve selon l’intention de l’auteur.
Mise en scène de la rencontre Elle constitue la deuxième étape de la méthodologie de J. Rousset dans l’étude de la première rencontre et contient trois traits dynamiques: l’effet, l’échange et le franchissement que nous allons d’abord définir et ensuite étudier le fonctionnement de chacun dans le roman d'Afghani.
Effet Selon J. Rousset l’effet est dû à une vision réciproque ou bilatérale, dans une situation souvent imprévisible: «Avec des degrés divers de la violence, il est rare que ne soit pas notée fortement cette impression première produite par la vision de l’un sur l’autre, mutuelle ou non» (Rousset, 1981: 43). Annoncé presque toujours par un adverbe de temps, il est lié à la rapidité: «C’est toujours la soudaineté d’un choc, d’une irruption, d’une rupture» (Rousset, 1981: 44) et à des degrés et manifestations divers: «On multiple les termes d’intensité: surprise, éblouissement, saisissement, anéantissement…(Rousset, 1981: 44) même le «foudroiement» avec ses «connotations magnétiques ou électriques»; «stupidité» ou «immobilité» qui peuvent aller jusqu’à la «paralysie» (Rousset, 1981: 44). Il est à noter que les impressions de l’effet se manifestent parfois sous une forme négative: «vertige, voire peur ou malaise...» (Rousset, 1981: 44). Ces manifestations restent au niveau de l’effet tant qu’elles ne touchent pas autrui, mais au moment où elles fonctionnent comme acte de communication, nous serons au niveau de l’échange. Parfois aussi, il existe une simultanéité ou même une confusion totale entre l’effet et l’échange: « …au point qu’il est difficile de dissocier l’effet et l’échange ; les deux opérations s’y trouvent entremêlées et finalement confondues» (Rousset, 1981 : 51).
Échange Elle comprend toute sorte d’émission de messages verbale ou simples productions non linguistiques entre les acteurs de la rencontre, selon leurs positions l’un par rapport à l’autre : «toute espèce de communication, entre les partenaires, d’un message qui peut être manifeste ou latent, direct ou oblique, volontaire ou non […] Selon que ces positions sont proches ou éloignées, libres ou séparées, l’échange se fera par émission de paroles ou par production de signes non linguistiques : regards, gestes, mimiques, attitudes, déplacements» (Rousset, 1981: 44). Rousset rappelle que contrairement aux signaux produits selon une visée communicative, les indices «exempts de toute volonté de communiquer, peuvent être conscients ou non : pâleur, rougeur, larmes, évanouissement, aphasie ou simple silence, regards dont le langage, le plus souvent involontaire, est constamment invoqué par les auteurs» (Rousset, 1981: 44).
Franchissement C’est «l’annulation de la distance» (Rousset, 1981: 44). Le fait que les acteurs ne puissent pas se trouver tout de suite rapprochés, ajoute à la tension narrative et le rapprochement aura souvent lieu dans les scènes ultérieures. Il faut signaler que l'ordre «effet, échange, franchissement» n'est pas toujours respecté et il arrive que parfois le franchissement précède l'échange: «Le franchissement peut être brutal et antérieur à l’échange» (Rousset, 1981: 44). L'étude du lieu nous informe déjà des positions des partenaires «proches ou lointains, séparés ou non» (Rousset, 1981: 45). Ce qui reste à repérer c'est le type de rapprochement que selon J. Rousset peut être: «impossible, difficile ou réalisable» (Rousset, 1981: 45). Selon lui, les modalités du franchissement sont diverses: «Contact physique, symbolique ou parlé» (Rousset, 1981: 45).
Étude de la mise en place Temps L’incipit du roman met tout de suite le lecteur dans un cadre temporel et presque tout le premier paragraphe est consacré à situer non seulement le récit dans un temps précis, mais aussi à parler du climat et de son influence sur la vie des oiseaux. Pour évoquer l’influence du temps (soleil et chaleur) après une saison de froid, de pluie et de neige, l’auteur se focalise sur l’observation des comportements des pigeons:
«C’était un après-midi de l’hiver 1938. Un soleil chaud et agréable qui brillait, pendant toute la matinée, sur la belle ville de Kermanshah, s’efforçait de plus en plus de fondre les dernières traces de la neige de la nuit précédente. Il faisait beau et le ciel était bleu, les pigeons… dans la brume pâle s’élevant du dessous de leurs pâtes et de leur entourage, s’étaient mis à bouger de plaisir et d’ivresse, en pleine fierté, comme si leur instinct les avait prévus que les jours de neige et de pluie s’étaient terminés et que le temps de joie et de bonheur était arrivé» (Afghani, 2004: 17).
Le froid, la passivité et l’immobilité se volatilisent et se remplacent par les mouvements et la joie. L’emploi du mot «instinct» peut être aussi important. Réveillé par le soleil et la chaleur, il informe les pigeons, de la fin de la saison froide et triste, et du commencement de la saison d’amour. Les pigeons représentent un désir instinctif: la volupté de manger. En fait, c’est un oiseau qui n’hésite pas à manger encore même quand il semble qu’il soit rassasié. Cet appétit sera repéré plus tard chez le personnage principal qui, à l’instar d’un pigeon, serait comblé de joie et de volupté par la vue d’une femme dont la lumière illumine sa vie obscure et réchauffe son âme froide. Le temps de l'histoire trouvera plus de précision quand l'auteur souligne le mois: «C'était le mois de ramadan et le parfum agréable du pain, mêlé du parfum de nigelles noires embaumaient la rue et réveillaient l’appétit des passants» (Afghani, 2004: 18). Pendant ce mois, les musulmans se privent de manger et de boire et restent à jeun depuis le lever jusqu'au coucher du soleil et c'est vers la fin de l'après-midi qu'ils se mettent à préparer le dîner dont le constituant principal est le pain, donc il n'est pas étonnant de voir une foule énorme devant les boulangeries, surtout à partir d’une heure avant l’appel à prière du soir.
Lieu La première apparition du lieu se fait dans l'incipit : «la belle ville de Kermanshah»[1]. Puisque l'histoire se passe dans une ville, les paysages décrits sont plutôt urbains. D'abord, l'auteur jette un coup d'œil sur une rue ou le lecteur n'y constate que l'habituel. Ce tableau devient animé, en mettant en scène quelques personnages en mouvement et en action : une voiture qui passe, un passant, un vendeur et un client en sont les quatre actants mais ils sont tous au service d'évoquer un jour où le calme domine: «Dans la rue tout suivait son rythme habituel, une voiture qui passait lentement, un passant qui, les mains dans les poches, avait baissé la tête et s'éloignait, un vendeur qui répondait à la demande d'un client derrière son comptoir, personne ne se précipitait» (Afghani, 2004: 17). Ensuite le regard du narrateur glisse sur «les boutiques ouvertes et fermées des deux côtés de la rue, dont les portes récemment repeintes de couleurs verte et bleue…créaient un paysage gaie et intéressant pour un écolier passant par là. Tout donnait nouvelle d'une fête ou peut-être d'une fermeture obligatoire» (Afghani, 2004 :17-18). Ce que toutes les boutiques ne sont pas encore ouvertes rappelle aussi le moment de la journée «après-midi» déjà cité dans l’incipit. Les couleurs verte et bleu symbolisent la terre et le ciel, et la joie de vivre. Le narrateur fait lui-même l’interprétation de la scène décrite et prévoit l’arrivée d’un évènement. Enfin le regard du narrateur s’arrête sur une boutique: une boulangerie, qui par son apparence, s’oppose à l’image de la rue et des autres boutiques. Sur le tableau propre et coloré de la rue, elle ressemble à une tâche laide et noire, mais une laideur et un noir plutôt séduisants:
«À l’angle de la rue, …il y avait une boulangerie dont la fumée avait noirci et enlaidi toute la partie de la façade du dessus de sa porte et qui s’imposait à la vue plus que les autres boutiques. Sa laideur et son noir faisaient en même temps sa beauté et sa grâce. … De l’intérieur de la boulangerie, où il n’y avait pas encore de clients, on entendait …les ouvriers parler à haute voix. Les pains de sangak[2], frais et appétissants, accrochés à gauche et à droite aux murs, exprimaient l’abondance des produits alimentaires» (Afghani, 2004: 18).
La queue devant la boulangerie procure l’opportunité de voir les voisins, les amis, les familles mais aussi de s’informer de l'actualité et surtout des nouveaux habitants du quartier. Il paraît que le choix du lieu pour la rencontre soit d’une délicatesse remarquable; un lieu public où se réunit une foule et cette présence de tierce personne pourrait imposer quelques limites sur la rencontre. C’est aussi un lieu dont le parfum réveille un désir instinctif qui donne l’envie de manger et qui nourrit les affamés. Ainsi, la boutique la plus sale du quartier devient le lieu le plus peuplé, grâce à sa fonction importante.
Insertion des personnages Seyyed Mirān fait son apparition dès la deuxième page du roman où le narrateur essaie de lui faire un portrait assez complet en lui consacrant tout un long paragraphe. Nous y repérons partiellement et dans l’ordre, le physique, la physionomie, les vêtements, les traits caractériels et l’identité du personnage:
«…un homme grand d’une peau brunâtre se voyait qui portait un manteau gris. Il avait un front long et plat, des sourcils touffus et des yeux charmants et pénétrants. Dans son visage un peu osseux et allongé, avec des rides profondes, on voyait une forte intelligence, qui avant d’insinuer la sévérité et le calcul, évoquait la virilité et la gentillesse. Les cheveux blancs de son visage et de sa tête, tant qu’ils se voyaient sous son chapeau récemment à la mode, paraissaient plus nombreux que ses cheveux noirs. Les boutons de son manteau étaient indifféremment ouverts, sous lequel on voyait son costume brun à rayures, son gilet et même la chaine de sa montre de poche. Cet homme, Mirān, pour mieux dire, Seyyed Mirān Sarabi était le propriétaire de la boulangerie» (Afghani, 2004: 18).
Selon les données du texte, l'élément le plus important du portrait de ce protagoniste est sa physionomie qui évoque la beauté et la virilité. Au deuxième rang, se trouve la description vestimentaire qui fait apparaître un homme élégant. Son portrait moral quoique modeste, le rend aimable. Quant à son identité, la première partie de son prénom «Seyyed» prononcé souvent «Seyd», souligne son appartenance à une minorité des Iraniens, considérés comme les descendants des Imams des chiites, ce qui leur apporte déjà du respect et de la confiance publics. Enfin le physique du personnage semble le moins important, car le narrateur n'en fournit qu'une seule information. Homā se voit un peu plus tard, en tant que femme inconnue devant la boulangerie, quand le narrateur arrête le discours de Āqā Šojā, un collègue de Mirān, venant à la boulangerie pour lui parler des problèmes de leur syndicat : «là, juste au coin de la boulangerie, il y avait une femme portant un voile blanc, dont le visage était caché, elle n’était pas assez proche pour entendre leur conversation, elle voulait apparemment du pain et ne s’approchait pas par timidité, ou peut-être qu’elle attendait quelqu’un ou quelque chose» (Afghani, 2004: 25). Le narrateur préfère créer une ambiance d’ambiguïté autour de cette femme et ne fait pas son portrait d’un seul coup. «Le voile» et «la timidité» constituent tout ce qui est repérable sur elle. Ce que nous remarquons ensuite c’est: «la femme à voile blanc […] avec un état timide dont la simplicité agréable…avec une voix douce et calme» (Afghani, 2004: 27) qui complète un peu plus le portrait moral de Homā. Dans les pages suivantes, il paraît que donner une image éblouissante à Homā soit le but final de l’auteur. En voici quelques exemples: «pour un instant, par dessous son voile qui ressemblait à un coquillage ne valant aucunement son contenu, son visage rond avec un sourire chaleureux et séduisant, brilla comme la lune» (Afghani, 2004: 28). Dans cette comparaison, elle ressemble à une perle précieuse par le prix et lumineuse par la beauté. Dans une autre page nous lisons : «Cette femme était sans aucun doute une de ces fleurs blanches qui poussent dans la neige» (Afghani, 2004: 29). Cette métaphore florale traduit la beauté, l'innocence et la fragilité du personnage. L'embellissement exagéré de Homā se perfectionne quand l'auteur lui confère une beauté surnaturelle: «La beauté et la tendresse de cette cliente au visage de fée..» (Afghani, 2004: 31). Le narrateur avoue qu'il exagère: «…et cette interrogation hyperbolique: est-ce que cette fée était une femme ?» (Afghani, 2004: 32). Dans la dernière citation pour cette partie, le narrateur répond en fait à la question posée et complète son projet: «…avec un halo lumineux de beauté et de modestie, elle était une autre image de la Sainte Marie…» (Afghani, 2004: 33). À la beauté du personnage vient s’ajouter la sainteté. L'insertion de cette sainteté dans la progression du portait de Homā paraît intéressante. Pour le portrait de Homā, l’accent est encore mis sur la physionomie car elle compte le plus dans une rencontre visuelle. Les traits de caractère complètent ensuite la beauté extraordinaire. La couleur blanche qui rappelle la pureté est choisie pour son physique et ses vêtements. Quant au prénom du personnage, nous rencontrons un choix significatif: dans la littérature persane, Homā c’est un oiseau fabuleux qui symbolise le bonheur et il est aussi un prénom pour les femmes. Homā par son prénom, son visage et son caractère symbolise le bonheur, la beauté extrême et la sainteté.
Étude de la mise en scène Effet La soudaineté est la condition sine qua non de l’effet et elle est effectivement annoncée par des termes comme: «soudain, dès que, sitôt que, aussitôt que, au moment où». En ce qui concerne notre étude, il faut noter qu’entre Mirān et Homā, deux rencontres sont constatées: la première engendre d’abord quelque curiosité mêlée d'admiration chez le commerçant et favorise l’efficacité de la deuxième. Elle est basée sur une rencontre visuelle unilatérale. J. Rousset imagine que: «Si la première rencontre est, dans la règle, une surprise, surgissant du moment même, rien n’empêche d’imaginer une infraction de cette règle, […] l’un des deux partenaires prépare, prémédite la scène, qui devient alors un piège tendu» (Rousset, 1981: 57). Il y a peu de traces explicites prouvant que Homā a préparé la scène. Le narrateur ne fait que des analyses psychologiques du personnage masculin et n'informe pas le lecteur de ce qui se passe à l’intérieur du personnage féminin. Mais à l’instar de quelques romans balzaciens, la femme, par ses gestes, ses actes et ses paroles que nous allons souligner plus tard, est «l’émettrice de l’effet» et l’homme en est «le récepteur». Le personnage féminin est présenté comme une femme «à voile blanc» et «timide», lors de sa première apparition devant la boulangerie, le lieu de la rencontre, sans que Mirān soit conscient de sa présence. Peu après, le narrateur décrit sa beauté: «Pour un instant […] un visage rond comme la lune avec un sourire chaleureux et charmant […] brilla» (Afghani, 2004: 28). Cette courte scène exerce une influence bien que faible sur Mirān. La rapidité de l’effet se montre dans la citation suivante par un adverbe de temps qui en est l’indice typique: «Étant à jeun, Seyyed Mirān qui n’avait pas tellement envie de parler, s’éclaira soudainement au visage, et avec un large sourire qui donnait nouvelle de sa sociabilité…» (Afghani, 2004: 28). Mirān ébloui, réagit à cette beauté: «Il a attendu un instant et a cru que ce n’était pas mal de compléter son allusion par une phrase douce et de dire : surtout quand l’interlocuteur d’un commerçant soit une femme séduisante au visage de fée, comme elle» (Afghani, 2004: 28). La sainteté de Homā se répète cette fois dans le monologue intérieur de Mirān. «La fascination» apparaît souvent par une «paralysie» ou «aphasie» qui durent peu, mais puisque cette rencontre provoque la curiosité et l’admiration de Mirān, l’enchantement du personnage se montre sous forme d’un long bavardage et de l’oubli momentané de lui-même et de la réalité, suite à la contemplation imprévue d’un beau visage. Dans cette rencontre, la première vue ne coïncide pas avec la première conversation et comme J. Rousset écrit: «Celle-ci est souvent renvoyée à une scène ultérieure» (Rousset, 1981:45).
Échange En tant que commerçant fiable du quartier, il ne convient pas qu'il engage une conversation avec une jeune femme inconnue, mais cependant, un court échange est repérable où une seule phrase de la femme aura comme écho un long discours de l'homme. Mirān rappelle à la femme de prendre la monnaie de son argent, la femme s’excuse et lui explique que c’est à cause du ramadan. Mirān saisit l’occasion par les cheveux pour faire parler sur l’importance de la foi et du respect de la justice : «Malheureux le pauvre commerçant qui au lieu de vendre sa marchandise vend sa religion et sa foi» (Afghani, 2004: 28). Après cet aveu anticipé, il jette un coup d’œil sur la cliente qui s’éloigne: «Ce qu’il a vu du visage, des cheveux et des vêtements qu’elle portait sous le voile, lui avait invoqué un sentiment ambigu et complexe» (Afghani, 2004: 29). Sa curiosité préalable, devient l’admiration: «La femme à voile blanc était en pleine beauté et au printemps de sa vie…» (Afghani, 2004: 29). L’image contrastée de la femme attire de plus en plus son attention : ses vêtements usés s’opposent à sa beauté exemplaire. Après la vue admirative du visage et la vue empathique des vêtements, il trouve l’occasion de contempler: «…les mains blanches et fines…» (Afghani, 2004: 29) de la jeune femme. Le narrateur essaie de blanchir Mirān de toute tentation capricieuse: «…son regard derrière la femme était non seulement involontaire mais aussi dépourvu de toute motivation sensuelle» (Afghani, 2004: 29) et de justifier que tous les sentiments de Mirān ont pour cause la pitié qu'il éprouve pour la pauvre. Mais en fait, les premières étincelles sont forcément déclenchées dans son cœur.
Mutation La deuxième rencontre a eu lieu le lendemain de la première. Entre les deux rencontres, une curiosité obsessive fait entrer Mirān dans un conflit intérieur dans lequel il ne s’arrête pas de penser à la femme inconnue. Cette scène peut être interprétée comme une légère «mutation» qui se définit ainsi : «Il va presque sans dire que plus rien ne sera comme avant et que le récit jusqu'alors incertain de son parcours […], a maintenant déterminé sa voie...» (Rousset, 1981: 77). Une curiosité mêlée de prudence, devient peu après incontrôlable:
«Mais son jugement pour la femme à voile blanc ne dépassait pas une simple curiosité prudente. La beauté et la tendresse de la face de cette cliente au visage de fée, malgré toute sa simplicité, entaient si éblouissante et surnaturelle qui ont fait penser ce croyant à une citation religieuse : Et méfiez-vous des femmes car elles sont le peuple du Satan» (Afghani, 2004: 31).
Il essaie de se persuader que la trace qu’a laissée la femme sur son esprit, va bientôt s’effacer, mais au temps de la prière à la mosquée, il lui manque la concentration, pense à elle et se pose des questions sur sa vie. C’est là que cette curiosité devient irrépressible et une sorte d’éblouissement se voit dans le monologue intérieur de l’homme: «Une curiosité drôle et déraisonnable qui était embêtante et illégitime, neutralisait l’effort du commerçant qui ne voulait plus penser à la femme et repoussait tous ses autres pensées et désirs» (Afghani, 2004: 32). Mais puisqu'il faut se précipiter pour enlever à quelqu'un une épine du pied, sa volonté reste loin de toute transgression de la loi divine.
Fascination à la deuxième rencontre La deuxième rencontre aussi est visuelle et unilatérale. Le charme et la beauté de la femme ainsi que les sentiments de Mirān pour ce beau visage, se multiplient et donnent nouvelle d’un grand chambardement. L’immédiateté de l’événement est fatal et s’annonce encore par un adverbe de temps: «Quand il est sorti et l’a vue, le cœur lui bat dans le sein» (Afghani, 2004: 33). L’écart est si minime entre les deux instants qu’on le reçoit comme une simultanéité. La fascination due à la contemplation imprévue d'un beau est une des trois manifestations de l’effet qui indique son expansion maximale: «La fascination est le degré élevé de l’étonnement» (Rousset, 1981: 71) qui se traduit parfois par une «paralysie» physique ou «l'aphasie» et parfois par un «émerveillement qui conduit à l'état extrême du ravissement, jusqu'à la perte de conscience» (Rousset, 1981: 73). En l'occurrence, il s’agit d’un battement du cœur, faisant preuve du commencement du procès du chamboulement de Mirān. Extasié par la découverte de cette face heureuse, il entre dans une hypnose où il devient tout œil et apprécie cette créature parée de toute perfection. Cet état extatique cause également l’oubli momentané des tâches routines: «…d’habitude on ne pesait pas le pain très cuit, mais il l’a posé sur la balance et soudain l’enfant s’est mis à hurler et pleurer à chaudes larmes…» (Afghani, 2004: 33). Ce relâchement de l’attention coûte cher à l’enfant que Homā porte dans ses bras, car il se fait brûler le doigt en touchant le pain très chaud et le pauvre devient la première victime de cette rencontre.
Franchissement Il précède l’échange mais se fait grâce à un personnage passif qui fonctionne comme catalyseur de rencontre. Le boulanger étant sous le charme de la femme, commet une imprudence qu’il n’aurait pas dû faire d’habitude. De même que cette erreur apporte le mal à l’enfant, de même il procure la prospérité au commerçant en annulant la distance entre l’homme et la femme et cause un franchissement momentané. Pour s’occuper du doigt brûlé de l’enfant par un caillou chaud, Mirān et Homā se précipitent: «La femme et l’homme, perdus la tête, se sont approchés de lui en un second» (Afghani, 2004: 33). Mirān s’assied juste à côté de l’enfant et prend sa main pour la caresser et c’est ainsi que grâce à ce petit garçon, il peut se trouver tout près de la femme, pour la première fois et lui parler sans aucun souci. Cette réunion, un homme et une femme prenant soin d’un enfant qui pleure, évoque l’image du trio familial.
Échange Après un dialogue qui dénonce le désir du commerçant et de la belle cliente de passer un certain temps ensemble, la première rencontre visuelle réciproque aura lieu enfin. Mais avant, Mirān cherchant un moyen pour assouvir sa curiosité, se met à lui poser des questions sur sa vie privée. Homā qui ne paraît pas être discrète, répond aux questions posées en racontant tout ce qu’elle a vécu après son mariage qui ne lui a apporté que la souffrance et le malheur. Cette conversation pour laquelle la femme, en faisant de longs discours explicatifs contre les questions courtes du commerçant, se montre plus intéressée, crée une sorte d’intimité et donne à Mirān assez de courage pour qu’il lui demande son prénom: «Quel est votre prénom ?» (Afghani, 2004: 41). Le lecteur découvre le prénom de la femme inconnue en même temps que le boulanger. A la suite de ce bavardage centré sur la vie privée de Homā, qui fait dévoiler son destin sombre et pénible, et qui fait provoquer de plus en plus l’empathie de Mirān pour elle, nous sommes enfin témoins de la première vue réciproque: «Après des rencontres successives et une conversation d’une demi-heure et face à face, c’était la première fois que leurs yeux se sont rencontrés» (Afghani, 2004: 342). Ce contact bilatéral rend encore le boulanger plus audacieux et il se permet de pénétrer encore plus dans l'intimité de la femme: «Si Dieu t’as privé d'un homme, il ne t’a pas fermé la porte du monde, il a bien déterminé le devoir, tu dois te remarier, hein, n’est-ce pas ?» (Afghani, 2004: 42). C'est là que Mirān se met explicitement sous l'abri et la protection des enseignements religieux pour justifier son futur projet. Ce qui est encore intéressant, c’est le tutoiement qui peut s'interpréter comme une invitation à l'intimité de la part de Mirān, un choix prouvant qu'il a cédé à la tentation.
Coup de foudre À la suite de leur premier échange visuel, ils reprennent leur dialogue où la femme ajoute à sa séduction et à ses coquetteries pour ainsi conquérir enfin le cœur du commerçant: «les grosses boules des yeux qui s’étaient tournées vers Mirān avec leur propriété magique et extraordinaire, comme un coup de foudre l’a écrasé et l’a foudroyé si bien que cet homme croyant, était sous le choc pour quelques secondes» (Afghani, 2004: 44). Mirān fasciné, ne pouvant plus résister à toute cette beauté, et se trouvant dans un état hypnotique, s’enfonce dans un silence rêveur et baisse la tête: «…il a tout de suite baissé la tête» (Afghani, 2004: 44). Entre le coup de foudre jusqu’à l’apparition de l’effet dans la narration c'est le mutisme. Le narrateur fait une pause pour refléter les pensées intimes de Mirān. Pensif, empathique, admirateur et fasciné, il est complètement obsédé par la femme et n’a plus de contrôle sur ce qu’il fait: «Ses mouvements étaient passionnants et il n’était plus conscient de ce qu’il faisait» (Afghani, 2004: 44). Homā s'en va et le boulanger continue à vendre du pain tout enchanté, et une fois reprenant connaissance, il se trouve devant un garçon et ne se souvient ni de ce qu'il a reçu, ni de ce qu'il lui a donné: «Seyyed Mirān a hésité qu'il avait payé ou non…il avait complètement l'esprit ailleurs. Il ne s'est même pas rendu compte combien de pains il lui avait donné» (Afghani, 2004: 44). Le coup de foudre c'est le moment décisif de la rencontre qui détermine le destin de celui ou celle qui l'a subi. A partir de ce moment, tout acte du personnage se fait sous le contrôle direct de cette force. Miran est tombé en esclavage de l'amour et sa chute morale est certaine et fatale.
Conclusion L'étude de la première rencontre selon le modèle proposé par Jean Rousset, dans le roman Šowhar-e Āhu Khānom nous a fait révéler les éléments constitutifs et les forces de cette «cellule motrice». Pour la première partie de la méthodologie de J. Rousset, «la mise en place», nous avons d'abord essayé de repérer les indices temporels pour voir l'influence qu'ils ont exercée sur la rencontre. Ainsi, nous avons constaté un choix délicat et significatif: fin automne et à l'approche du printemps c'est le moment où la nature se réveille d'un long sommeil, le soleil brille dans le ciel bleu, les oiseaux célèbrent cette évolution en chantant, de plus c'est le mois de ramadan ou les musulmans s'abstiennent de manger, de boire et de commettre tout acte considéré comme péché entre l'aube et le coucher du soleil. Ensuite, dans l'étude du lieu et de son rôle dans la rencontre, nous avons remarqué que la boulangerie avait une fonction symbolique : le commerçant qui donne du pain chaud et délicieux à ses clients pour satisfaire leur besoin instinctif, est séduit par la beauté et le charme d'une cliente, et trouve un incendie au cœur dont les flammes brûleraient plus tard toute sa vie. Enfin pour terminer cette partie, nous avons tenté de faire le portrait des personnages principaux d'après les données du texte. Mirān est doté d'un portrait complet mais l'accent est plutôt mis sur son portrait physique (physionomie et vêtements) où la virilité et l'élégance se figurent plus que les autres caractéristiques. Pour Homā, il s'agit d'une image incomplète et le narrateur, en donnant quelques indices du portrait moral, préfère insister sur la physionomie. Ainsi, son visage et son caractère illustrent la beauté et la sainteté. En ce qui concerne la deuxième partie de la méthodologie de J. Rousset, «la mise en scène», nous avons souligné qu'il s'agissait de deux rencontres dont la première, peu efficace, servait de préparatoire à la deuxième qui était fort décisive. L'effet représente d'abord une simple curiosité mêlée d'empathie du personnage masculin pour une femme inconnue, qui se métamorphose peu après en admiration pour sa beauté et enfin en éblouissement sous forme de bavardages. Le premier échange est verbal et Mirān fait un monologue assez long dont la cause peut être l'enchantement. C'est après cet échange que Mirān trouve l'occasion de voir le visage et les vêtements de Homā. Le contraste entre l'extrême beauté de cette créature et la laideur de ses vêtements usés, suscite d'abord la curiosité et ensuite l'admiration de Mirān. Après le départ de Homā, Mirān est conquis par le charme de cette belle femme. Nous repérons une légère mutation chez lui, et en fait cette «découverte extatique» le fait entrer dans un état de ravissement. La deuxième rencontre représente la fascination de Mirān à la vue immédiate de Homā. Son cœur bat cette fois plus fort et donne nouvelle de la naissance d'un désir amoureux. Un franchissement se voit à la suite de cette fascination et fait annuler la distance entre les partenaires. Grâce à une erreur inconsciente de Mirān, les partenaires se rapprochent pour la première fois, se trouvent face à face et engagent une conversation de tout près; un autre échange verbal se voit pendant lequel la première rencontre visuelle réciproque a lieu enfin, à la suite duquel Mirān devenu plus courageux, tutoie Homā. Lors d'une deuxième fascination, Mirān écrasé par le coup de foudre, se fait déterminer le destin : il tombe dans le piège d'un amour qui lui emportera la fortune et l'honneur. Le modèle structuraliste que nous relevons sera donc: effet, échange (pour la première rencontre), effet, franchissement, échange, effet (pour la deuxième rencontre). La présence de trois effets, se justifie par l'hésitation et le conflit intérieur de Mirān dus à son âge, sa situation familiale et son statut social. Mirān, par son âge, son portrait, sa profession et son statut social pourrait représenter la société traditionnelle iranienne, et Homā aussi par son âge et son portrait (beauté et séduction), la modernité occidentale. À l'instar de Mirān, les Iraniens sont d'abord surpris et admiratifs après une première connaissance de ce nouveau monde, et peu de temps après, ne pouvant plus résister à toutes ses tentations, ils s'y résignent aveuglément et ainsi causent leur propre morale. Une étude pourra être effectuée, afin d'examiner par quel procès les croyances religieuses du protagoniste changent progressivement de fonctionner comme une force contre ce phénomène sensuel et cet amour interdit.
[1] C'est une ville historique à l'ouest du pays et surtout célèbre pour ses bas-reliefs datés de l'époque sassanide. Elle est le chef-lieu d'une province du même nom. [2] Sorte de pain iranien, au levain de blé entier, rectangulaire ou triangulaire. | ||
مراجع | ||
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